Letitre « Je ne dirai rien » interprété par Black M est sorti en 2015. Il s'est classé 1er des ventes de singles en France pendant 1 semaine du 03/02/1978 au 09/02/1978. Retrouvez ce titre dans les playlistes Hit-parade : Hip-Hop - Pop.
[Refrain]Les yeux plus gros...Et le clochard s'demande où est-ce qu'il va encore pouvoir passer l'hiver ?Si je l'pouvais je le mettrais simplement dans la poche de GulliverIci aucun de mes niggas ne peut dire comme Obama allez Yes We Can !Akhi surveille ta fille si elle te dit qu'elle part avec ses cop's en week-end[Refrain 2] x2J'n'ai pas des punchs, j'n'ai qu'des blacklinesSi y'en a une qui t'parle, akhi, back-la[Couplet 1]La 'be-ro' du Diable est moulanteJ'danse avec lui, on zouk sur des sables mouvantsNon ! J'me vois pas suivre le mouvementC'est vers chez nous qu'il y a les choses les plus émouvantesMaman se couche mais elle ne dort pasMédite bien sur cette blackline après on en reparleÉvidemment qu'on fait du cinémaRamène Di Cap', j'l'handicapeL'argent, ça résout nadaÇa rend juste l'Homme chien sans aucun état d'âmeUn jour, on pourra plus négocierLe Créateur a tous les dossiersAh ouais, tu t'es fait tromper par ton âme sœur ?Fais l'muet, fais l'aveugle, fais l'sourdDounia, j'en ai assezAujourd'hui, ça tape la C avant d'savoir faire ses lacetsSi l'Etat est sur mes côtes, tranquille, le game est sur mes couillesPardonnez-moi, j'sais qu'y'a des 'tits-pe' qui m'écoutentRêves, vérité masquées, cauchemar cachés, tout est faux, casse-toiChez nous, c'est tout l'contraire de la place VendômeMarlich, on va pas au paradis en Rolls PhantomEt, tant qu'y'a pas mort d'Homme, perdre, c'est rienMais, ça, c'est quand t'as rien à perdreJ'ai cascadé, poto, ma semelle est plus qu'uséeDis-moi avec qui tu traînes, j'te dirai rien, y'a qu'Dieu pour jugerOn perd beaucoup d'argent en courant après une femmeMais on peut aussi perdre sa femme en courant après l'argent Hein !Sans conceptUn peu long, même trop long pour la faire en concertLa vérité on s'connaît pasMais y'a encore du blé à faire, wesh, les mecs, déconnez pasLaissez Lefa, Mach'Allah, il a la foiNe parlez pas de belles histoires avant la finComplètement matrixéParano, j'pourrais t'faire du sale parce que tu m'as fixéNon, non, j'suis pas un gangsta, j'ai jamais 'ré-ti', pawSi toi oui, et alors, t'es un taré, toi, hein ?Bref, moi, j'ai plutôt intérêt àM'occuper d'ma propre vie pour qu'on puisse m'enterrer propreJ'aurais aimé pouvoir revenir à l'époqueEt j'aurais aimé savoir qu'est-ce que pensent mes potesQui m'ont vu partir d'un rien et d'un coup, les spotsJ'aurais aimé, j'aurais aiméEt, au fait, j'me suis mariéEt l'Sheitan a dit "J'vais tout détruire, combien vous voulez parier ?"Et j'ai gagné le premier round car j'ai un filsMais j'suis devenu un peu bizarre, les frères, j'aimerais qu'on m'analyseJ'ai été choqué par des choses qu'aujourd'hui je banaliseDégoûtant mais nécessaire comme la structure de ma saliveTraumatisé pour nos cas faut des scientifiquesCousin, on finira tous KO, même celui qui anticipeJ'te raconte ma vie alors qu'j'devrais 'as-p'Et j'suis plus au stade de m'demander si j'fais du vrai rapOne-two, one-twoLaisse-moi juste dire à tous ceux qu'j'aime haut et fort I love you !Excusez-moi, mais je n'veux pas qu'on m'idolâtreUn long chemin entre la parole et les actesMême si, petit, c'est vrai, j'rêvais d'être starMais elle est loin l'époque où on criait "On baise les shtars !"Les sessions freestyle à Milton, loin des hôtels HiltonBeaucoup de 'res-frè' 'bés-tom', j'm'attendais pas à c'qu'ils tombentLes nerfs, les pulsions, ma mère, notre expulsionTout ça feat la passion, ça m'étonne pas qu'il tue, l'son[Refrain]Et le clochard s'demande où est-ce qu'il va encore pouvoir passer l'hiver ?Si je l'pouvais je le mettrais simplement dans la poche de GulliverIci aucun de mes niggas ne peut dire comme Obama allez Yes We Can !Akhi surveille ta fille si elle te dit qu'elle part avec ses cop's en week-end[Refrain 2] x2J'n'ai pas des punchs, j'n'ai qu'des blacklinesSi y'en a une qui t'parle, akhi, back-laDescription 2 Contributors ?Morceau dévoilé au public pour la première fois le 25 mars 2014, dans un freestyle à une seconde fois, pour Booska DownvoteShare Reply
Blackm - Son : Je ne dirai rien . Accueil; Bio; Paroles; Sons; Clips; partager; Envoyer ; Envoyer; Parole de la chanson [Intro - Black M] x2 :T'aimes te faire belle, oui, t'aimes briller la nightT'aimes les éloges, t'aimes quand les hommes
Les yeux plus gros...Et le clochard s'demande où est-ce qu'il va encorePouvoir passer l'hiver?Si je l'pouvais je le mettrais simplement dans laPoche de gulliverIci aucun de mes niggas ne peutDire comme obama aller Yes we can!Akhi surveille ta fille si elle te dit qu'elle part avecSes potes en week-end j'n'ai pas desPunchs, j'n'ai qu'des blacklinesSi y'en a une qui t'parle, akhi, back-laJ'n'ai pas des punchs, j'n'ai qu'des blacklinesSi y'en a une qui t'parle, akhi, back-la la'Be-ro' du diable est moulanteJ'danse avec lui, on zouk sur des sables mouvantsNon! J'me vois pas suivre le mouvementC'est vers chez nous qu'il y a les choses les plusÉmouvantesMaman se couche mais elle ne dort pasMédite bien sur cette blackline après on en reparleÉvidemment qu'on fait du cinémaRamène di cap', j'l'handicapeL'argent, ça résout nadaÇa rend juste l'homme chien sans aucun état d'âmeUn jour, on pourra plus négocierLe créateur a tous les dossiersAh ouais, tu t'es fait tromper par ton âme sœur?Fais l'muet, fais l'aveugle, fais l'sourdDounia, j'en ai assezAujourd'hui, ça tape la c avant d'savoir faire sesLacets si l'etat est sur mes côtes, tranquille, le game estSur mes couillesPardonnez-moi, j'sais qu'y'a des 'tits-pe' quiM'écoutentRêves, vérité masquées, cauchemar cachés, toutEst faux, casse-toi chez nousC'est tout l'contraire de la placeVendômeMarlich, on va pas au paradis en rolls phantomEt, tant qu'y'a pas mort d'homme, perdre, c'est rienMais, ça, c'est quand t'as rien à perdreJ'ai cascadé, poto, ma semelle est plusQu'usée dis-moi avec qui tu traînes, j'te dirai rien, y'a qu'dieuPour jugerOn perd beaucoup d'argent en courrant après uneFemmeMais on peut aussi perdre sa femme en courantAprès l'argent hein! sans conceptUn peu long, même trop long pour la faire en concertLa vérité On s'connaît pasMais y'a encore du blé à faire, wesh, les mecs,Déconnez pasLaissez lefa, mach'allah, il a la foi ne parlezPas de belles histoires avant la finComplètement matrixéParano, j'pourrais t'faire du sale parce que tu m'asFixéNon, non, j'suis pas un gangsta, j'ai jamais 'ré-ti',Paw! Si toi oui, et alors, t'es un taré, toi, hein?Bref, moi, j'ai plutôt intérêt àM'occuper d'ma propre vie pour qu'on puisseM'enterrer propreJ'aurais aimé pouvoir revenir à l'époqueEt j'aurais aimé savoir qu'est-ce que pensent mes potesQui m'ont vu partir d'un rien et d'un coup, les spotsJ'aurais aimé, j'aurais aiméEt, au fait, j'me suis mariéEt l'sheitan a dit "j'vais tout détruire, combienVous voulez parier?" et j'ai gagné le premier round car j'ai un filsMais j'suis devenu un peu bizarre, les frères,J'aimerais qu'on m'analyseJ'ai été choqué par des choses qu'aujourd'hui jeBanaliseDégoûtant mais nécessaire comme la structure de ma saliveTraumatisé pour nos cas faut des scientifiquesCousin, on finira tous ko, même celui qui anticipeJ'te raconte ma vie alors qu'j'devrais 'as-p'Et j'suis plus au stade de m'demander si j'fais duVrai rap one-two, one-twoLaisse-moi juste dire à tous ceux qu'j'aime haut etFort I love you!Excusez-moi, mais je n'veux pas qu'on m'idolâtreUn long chemin entre la parole et les actesMême si, petit, c'est vrai, j'rêvais d'être starMais elle est loin l'époque où on criait "on baiseLes shtars!"Les sessions freestyle à milton, loin des hôtelsHiltonBeaucoup de 'res-frè' 'bés-tom', j'm'attendais pas àC'qu'ils tombent les nerfs, les pulsions, ma mère, notre expulsionTout ça feat la passion, ça m'étonne pas qu'il tue,L'son les yeux plus gros...Et le clochard s'demande où est-ce qu'il va encorePouvoir passer l'hiver?Si je l'pouvais je le mettrais simplement dans laPoche de gulliverIci aucun de mes niggas ne peut dire comme obama aller Yes we can!Akhi surveille ta fille si elle te dit qu'elle part avecSes potes en week-end j'n'ai pas des punchs, j'n'ai qu'des blacklinesSi y'en a une qui t'parle, akhi, back-laJ'n'ai pas des punchs, j'n'ai qu'des blacklinesSi y'en a une qui t'parle, akhi, back-la
Ondit que le manque de temps n’existe pas, contrairement au manque d’intérêt. En effet, quand les gens aiment vraiment : l’aube devient le jour le mardi devient le samedi et un moment devient une opportunité ! On dit aussi que plus on attend des autres, plus on est déçu et
1Léonora Miano est une écrivaine franco-camerounaise dont les œuvres récentes mettent en scène des personnages qu’elle qualifie d’ afropéens ». Afropea, terme que l’autrice reprend à David Byrne en en infléchissant le sens, désigne pour Léonora Miano bien plus qu’une catégorie de la population – celle des personnes noires qui vivent en Europe et ont à la fois une culture européenne et africaine ou antillaise – puisqu’elle recouvre un territoire mental » et appelle à la post-occidentalité » C’est cette maturation progressive de leur parcours identitaire que j’appelle Afropea, un lieu immatériel, intérieur, où les traditions, les mémoires, les cultures dont ils sont dépositaires, s’épousent, chacune ayant la même valeur. Afropea, c’est, en France, le territoire mental que se donnent ceux qui ne peuvent faire valoir la souche française. C’est la légitimité identitaire arrachée, et c’est le dépassement des vieilles rancœurs. C’est la main tendue du dominé au dominant, un geste qui dit qu’on sera libre parce qu’on accepte de libérer l’autre. C’est l’attachement aux racines parentales parce qu’on se sent le devoir de valoriser ce qui a été méprisé, et parce qu’elles charrient, elles aussi, de la grandeur, de la beauté. C’est la reconnaissance d’une appartenance à l’Europe, mais surtout à celle de demain, celle dont l’histoire s’écrit en ce moment. C’est l’unité dans la diversité. C’est un écho au modèle africain américain qui a fourni les figures valorisantes que la France ne donnait pas. C’est la nécessaire entrée de la composante européenne dans l’expérience diasporique des peuples d’ascendance subsaharienne. C’est une littérature à venir, mais aussi des arts visuels ou des musiques. C’est ce que l’Europe peut encore espérer produire de neuf, sans doute sa dernière chance de rayonner. C’est le commencement de la post-occidentalité, qui n’est pas la négation du substrat européen, mais sa transformation. Miano 2012b 86-87 1 Il s’agit donc de penser à travers les termes de race, de racialisation ou de personnes racisées d ... 2Il s’agit donc par ce terme de penser non pas la rencontre des cultures européennes et africaines, mais leur symbiose, et la possibilité d’une construction d’un espace mental unifié reconnaissant leurs influences réciproques anciennes dans un geste d’apaisement, ce qui mènerait à la post-occidentalité » puisqu’alors il n’y aurait plus de sens à définir une culture occidentale par opposition à d’autres cultures. Écrits pour la parole est un recueil de monologues dans lesquels Léonora Miano donne à entendre des voix de femmes, d’hommes et d’enfants afropéennes vivant en France. La multiplicité de ces textes relativement courts permet à l’autrice de présenter des sujets énonciateurs variés, qui ont pour seul point commun, outre la langue française, le fait de se reconnaître comme noir. Ils peuvent par ailleurs avoir des classes, des genres bien que la majorité des énonciateurrices soient des femmes, des âges, des situations familiales et professionnelles différents. J’étudierai la façon dont la racialisation, c’est-à-dire le processus social par lequel on attribue à un groupe d’individus des caractéristiques raciales1, donne forme aux textes indépendamment des thèmes abordés, la race, pensée comme construction sociale, influe sur la manière dont les personnages s’expriment, Léonora Miano donnant à lire, dans la construction énonciative de ses textes, des manques identitaires et un désir de partage qui rejoint ce que l’autrice appelle Afropea ». 3Il faut d’emblée souligner le caractère littéraire de ces textes, ce qui a deux implications principales sur le discours qu’on y lit d’abord, ces textes ont en priorité une fonction esthétique ; ensuite, ils mettent en scène des énonciateurs seconds, inventés par Léonora Miano. Il ne s’agit donc pas ici d’étudier les discours de personnes racisées, mais plutôt la façon dont Léonora Miano, dans son travail d’écrivaine, fait entendre la racialisation dans son discours c’est une étude des procédés littéraires qui permet de traduire sur le plan discursif la question de la race, laquelle est souvent éludée du discours public et politique – pensons notamment à la décision de supprimer le mot race » de la constitution française en 2018, à la suite d’un amendement proposé par La République en Marche. Or pour Léonora Miano, ne pas dire la race, c’est éluder le problème plutôt que de le régler, comme je le montrerai dans la suite de cet article. 2 On peut se référer, par exemple, à Marie-Anne Paveau, Politique du silence. Les femmes et les en ... 3 Léonora Miano, Habiter la frontière, Ma ponctuation n’est pas toujours orthodoxe. Elle cherche d ... 4La racialisation subie par une partie de la population se traduit d’abord par une impossibilité de se dire le titre Écrits pour la parole dit bien que le texte a pour ambition de générer de la parole, de combler un manque de la parole, ce que confirme la dédicace de la première section, aux cris inaudibles, aux paroles proscrites » Miano 2012a 10. Les mots sur la race, dont la dimension taboue en France n’est plus à démontrer Paveau 2019, s’énoncent avec peine, et ce d’autant plus quand les énonciatrices sont des femmes, incitées socialement en tant que telles à la discrétion et à la soumission2. Ensuite, je verrai que ces textes sont habités par un manque identitaire et un sentiment de vide, qui se traduit sur le plan formel par un effet de chute le sens du texte ne se révèle qu’à la fin, ou implicitement. Jusqu’à la dernière ligne, lae lecteurrice est consciente que quelque chose lui manque pour comprendre les tenants et les aboutissants de ce qu’elleil lit. Enfin, la race donne au texte sa scansion, inspirée du jazz, d’après les dires de Léonora Miano3 cette musique est pour l’autrice un modèle de la rencontre des cultures afro-descendantes, africaines et occidentales. Elles sont ainsi à l’image du territoire mental que Léonora Miano appelle Afropéa ». La difficulté de dire la race et poétique de l’ellipse 4 J’utilise la majuscule ici pour suivre l’usage de Léonora Miano dans son texte. La majuscule souli ... 5Norman Ajari dans La Dignité ou la mort 2019 montre comment les Noirs4 subissent une forme d’injonction à taire l’histoire coloniale et les marques qu’elle a laissées dans leur présent. Plusieurs textes d’Écrits pour la parole donnent à lire ce tabou sur les questions de race. Différents procédés, au premier rang desquels l’ellipse, font ainsi entendre le silence dans les textes. La fragmentation et répétition de la phrase Plusieurs textes énoncent une seule phrase dont les fragments sont répétés inlassablement. Ainsi, le texte Monnerville » se présente comme suit Gaston Monnerville pourquoi Gaston Monnerville n’est-il pas Pourquoi Gaston Monnerville n’est-il pas devenu Gaston Monnerville pourquoi Gaston Monnerville n’est-il pas devenu Pourquoi Gaston Monnerville n’est-il pas devenu Pourquoi Gaston Monnerville n’est-il pas devenu Pourquoi Gaston Monnerville n’est-il pas devenu Pourquoi Gaston Monnerville n’est-il pas devenu Président pourquoi Monnerville Gaston pourquoi Gaston Monnerville n’est-il pas devenu Président de la République Président de la République française Gaston Monnerville. Miano 2012a 11 6Les mots de la phrase Pourquoi Gaston Monnerville n’est-il pas devenu Président de la République française » sont introduits fragment par fragment, entrecoupés par le nom propre de Gaston Monnerville. Pour comprendre le sens implicite de cette question, il est nécessaire de connaître Gaston Monnerville, ce qui n’est sans doute pas le cas de de Léonora Miano. On peut alors considérer qu’il y a une ellipse, rendue sensible par le fait que le nom propre de Gaston Monnerville n’est pas contextualisé. Gaston Monnerville, homme politique français noir, a occupé de nombreux postes député de la Guyane, Président du Conseil de la République, Président du Sénat. La question posée ici est rhétorique, puisqu’elle laisse entendre que c’est en raison de sa race qu’il n’a pas été Président de la République. Il y a ici une seconde ellipse, celle de la réponse implicitement contenue par la question. Cette question de la racialisation et de ses conséquences sur l’écriture de l’histoire puisqu’on ne connaît pas, ou peu, Gaston Monnerville et sur la carrière politique de cet homme, est donc triplement éludée il n’est pas dit que Gaston Monnerville est noir, la réponse à la question est sous-entendue, et le texte lui-même semble refuser de poser cette question, qui touche à un tabou. 5 Pour une définition de l’intersectionnalité, on renvoie à Kimberlé Williams Crenshaw, Mapping th ... 7Le même procédé de répétition de fragments textuels est reproduit dans d’autres textes et dénonce des processus d’assignations intersectionnels, c’est-à-dire associant les discriminations de race, de classe et de genre5. Projections », par exemple, dénonce l’absence de modèle féminin noir qui ne soit pas animalisé ou exotisé dans le paysage culturel français. D’autres fois, cette répétition de fragments textuels permet de dénoncer des préjugés misogynes, par exemple dans On ne se fait pas » sur la prétendue responsabilité de la victime de viol. Énonciation à la deuxième personne du singulier 8Plusieurs textes sont écrits à la deuxième personne du singulier, ce qui est d’autant plus surprenant qu’ils sont des monologues, pensés pour être récités sur scène, donc incarnés par une acteurrice. Ainsi, dans Couleur », une femme raconte que petite fille, elle rêvait qu’elle était blanche Petite fille, tu te voyais blanche dans tes rêves, tu savais que c’était toi, la seule chose, c’est que tu étais blanche, il y avait une balançoire dans le jardin, de l’herbe verte autour, des pâquerettes comme des sourires au milieu des touffes d’herbe, tu étais heureuse là, tournait le dos à la maison, une petite bâtisse en bois jamais habitée dans la réalité, seulement dans tes rêves, elle était bleue, pas vraiment, tu dirais indigo, ce qui semble curieux pour les murs d’une maison mais c’était ainsi, un rosier grimpant à fleurs rouges courait le long de la façade, à droite la porte d’entrée peinte dans les mêmes tons que les murs, si bien qu’on ne la distinguait pas, tu crois qu’il n’y avait pas de fenêtre. 2012a 11 9La première phrase du monologue multiplie les marques de la deuxième personne du singulier tu, te, tes, tu, toi, tu. La suite dépeint une image très courante du bonheur familial, avec une petite fille, une balançoire, , une pelouse, des pâquerettes, une maison en bois, des roses. L’aspect conventionnel de la description peut faire penser que le rêve est socialement imposé à la petite fille, qu’il ne lui appartient pas en propre. De même, la narration à la deuxième personne marque aussi cette lacune, cette distance de soi à soi ressentie par la petite fille. On peut aussi considérer que le tu » représente le regard d’une personne adulte sur son enfance dans les deux cas il s’agit d’une mise à distance. Ce dysfonctionnement est rendu sensible dans le texte par la focalisation sur les couleurs, qui se font de plus en plus obsédantes d’abord, on nous précise que l’herbe est verte, ce qui ne semble pas nécessaire. Puis on apprend que les roses sont rouges ainsi, ce qui s’appelle rose » n’est pas rose, mais rouge, signe discret d’une inadéquation. Enfin, la maison est bleue, ou plutôt indigo, ce qui n’est pas une couleur adaptée pour la maison, comme le note la narratrice. Ce malaise sur les couleurs rejoint celui de la petite fille noire qui se rêve blanche. Un deuxième récit se fait à la deuxième personne du singulier, Communauté », qui commence ainsi Tout le monde en parle, de la communauté, de ta communauté, et si tout le monde en parle tellement depuis un certain temps, c’est surtout pour dire que ce ne serait pas bien qu’elle existe, ta communauté, parce que ce n’est pas la tradition d’ici, parce que ce serait contraire aux idéaux d’ici. 2012a 29 10La deuxième personne est mise en valeur par la reformulation la communauté, ta communauté », et la répétition de ta communauté ». De plus, la deuxième personne s’oppose ici à une norme, qui s’incarne dans le tout le monde », faussement inclusif puisqu’on comprend peu à peu qu’il désigne un ensemble de personnes blanches qui se pensent représentatives de la totalité du genre humain. On retrouve ce faux universel dans le ici », déictique qui ne renvoie à rien d’un point de vue intratextuel, mais qui semble désigner le territoire français hexagonal. Le fait de ne pas mentionner ce à quoi renvoie ce ici » témoigne d’un attachement vécu comme évident de ce tout le monde » à l’hexagone, attachement qui n’est pas évident pour le tu », comme le montre la suite du texte. On reconnaît, particulièrement dans ce deuxième texte, une forme littéraire de la double conscience » théorisée comme l’expérience fondatrice des Noirs en Occident d’après W. E. B. Du Bois C’est une sensation bizarre, cette conscience dédoublée, ce sentiment de constamment se regarder par les yeux d’un autre, de mesurer son âme à l’aune d’un monde qui vous considère comme un spectacle, avec un amusement teinté de pitié méprisante. Chacun sent constamment sa nature double – un Américain, un Noir ; deux âmes, deux pensées, deux luttes irréconciliables ; deux idéaux en guerre dans un seul corps noir, que seule sa force inébranlable prévient de la déchirure. 2004 11 11Le Noir en Occident, durant l’esclavage et la colonisation, se sait humain mais est pensé comme moins humain qu’un Blanc par les Blancs il doit alors vivre avec cette double perception de lui-même, cet écart entre son auto-perception et la perception d’autrui-Blanc sur lui, cette position d’altérité interne à la société occidentale », comme le formule Raphaëlle Tchamitchian à la suite de W. E. B. Du Bois Tchamitchian 2019 32, ce que Miano met en scène à la fin du texte Communauté » Tu as ce truc en plus, tu voudrais voir les choses autrement mais c’est comme ça qu’elles sont, tu ne peux pas laisser ta couleur dans le confort de la sphère intime, tu l’emmènes partout avec toi, pour te décrire on est bien obligé de dire le mot noir, et ce n’est pas toi qui en as fait toute une affaire, ce sont les autres, ceux qui n’ont pas de couleur, ceux qui disent black pour adoucir l’embarras et qui, à force de prétendre ne pas distinguer ta pigmentation, ont fini par ne pas te voir du tout, toi l’individu. 2012a 38 12Le tu » est devenu toi l’individu », celui qui est oublié par le regard raciste, regard de celui qui est angoissé par la pigmentation foncée au point de ne plus oser utiliser le mot noir ». Le toi l’individu » est perçu avec le toi noir », ce dont lae narrateurrice ne fait pas toute une affaire ». La narration à la deuxième personne du singulier, récitée par une acteurrice, rend sensible cette double conscience c’est un je » qui parle dans le présent de la mise en scène, mais il parle en se voyant à travers les yeux de l’autre comme un tu ». Glissement énonciatif 13Cette double conscience est aussi traduite par le jeu des voix narratives. Ainsi, dans Communauté » toujours, la voix de la narratrice principale est régulièrement habitée par des expressions émanant d’une doxa blanche raciste, avec un procédé qu’on peut assimiler au discours indirect libre. Le début du texte, cité précédemment, en est un bon exemple, puisque le déictique ici » et le tout le monde » renvoie à un locuteur blanc, qui n’est pas celui ou celle que désigne le tu ». La suite confirme cette interprétation [P]arce que la République ne connaîtrait que les individus, pas les groupes, pas ces masses de gens qui prétendent avoir quelque chose de spécifique en commun, parce que ce qui est spécifique nuit à tout le reste dès lors qu’un groupe le revendique, que tout ça devrait rester bien au chaud dans la sphère intime, là où tu as le droit, après tout, de manger ton ndolé, ton court-bouillon, toutes les sauces graines que tu veux, sans que personne ne t’en empêche, alors on ne comprend pas pourquoi tu nous prends le chou avec ces histoires de ta communauté, dans ce pays qui n’est pas ségrégué. 2012a 29 14Le conditionnel connaîtrait » fait encore entendre une double énonciation, dans laquelle la voix du ou de la narrateurrice désignée par tu » remet en cause une autre voix, émanant d’une forme de doxa raciste. Cependant, peu à peu cette ubiquité se résorbe pour ne laisser entendre que la voix raciste le verbe prétendent » sous-entend que cette spécificité noire est mensongère, le modalisateur devrait » se fait moralisateur, et finalement le on » de on ne comprend pas » donne un pronom à cette voix, avant de lui attribuer la capacité à énoncer des vérités grâce au présent de l’indicatif de ce pays qui n’est pas ségrégué ». On passe donc d’une énonciation double, qui donne à entendre la double conscience » de W. E. B. Du Bois, à une forme d’ énonciation ventriloque », définie ainsi par Marie-Anne Paveau C’est un mécanisme tout à fait analogue d’invisibilisation et de réduction au silence qui préside à un autre procédé d’ordre énonciatif qui fait florès en ce moment dans la vie politique et médiatique française et qu’on peut appeler, en termes communs, parler à la place des autres ». Cette forme énonciative cible particulièrement les individus habituellement minorisés, voire stigmatisés, et parfois vulnérables les femmes, les individus racisés, les musulmanes. Et elle est, sans surprise, plutôt adoptée par des dominantes, non racisées, non stigmatisées, et n’appartenant pas à des minorités, visibles ou invisibles. 2016 15Ainsi, certaines expressions semblent bien être reprises à cette énonciation ventriloque ». On a donc dans ce texte la confrontation de la situation telle qu’elle est énoncée par la personne concernée et telle qu’elle est énoncée par un autre Blanc et raciste. L’écart est parfois souligné avec ironie, comme dans en traînant avec toi un autre humain coloré, vous seriez un gang à vous deux Miano 2012a 35 » qui reprend le un gang ethnique menaçant la cohésion républicaine qui ne se laissera pas faire parce qu’elle est souveraine » 32. L’écriture du manque 16La langue de Léonora Miano est ici caractérisée par l’expression du manque. Ce qui est dit semble tracer les contours de ce qui devrait être dit mais qui est passé sous silence. Si cela rejoint la difficulté de dire la race, que j’ai évoquée dans la première partie, je voudrais montrer ici que ce vide reflète un sentiment de malaise identitaire, de dépossession de soi, ressenti par de nombreuxses narrateurrices. La violence en creux 17La violence raciste subie par les narrateursrices est parfois implicite durant toute la durée du monologue. Par exemple, Pulchérie » donne la parole à une femme qui affirme son appartenance à la France et à la culture française, tout en faisant entendre, par ses africanismes, le fait qu’elle a grandi en Afrique, dès les premières phrases Moi, j’étais intégrée avant de venir ici, donc, il ne faut pas me fatiguer avec ces histoires-là. Je n’ai pas le temps. C’est même quoi ça » 2012a 19. L’usage du verbe fatiguer » et la formule c’est même quoi ça » témoigne discrètement d’un usage du français du Cameroun. On retrouve de nouveau le déictique ici » qui n’a pas besoin de référent, ce qui sous-entend que la France est la seule référence commune évidente. A contrario, l’endroit où la narratrice a grandi, le Cameroun, est évoqué seulement à la deuxième page du texte, au détour d’une référence à la CRTV, la télévision nationale du Cameroun » 20. La narratrice revient alors sur cette intégration » dont elle parle au début du texte L’intégration, c’est quand tu parles français. Donc, c’est bon. Je suis dedans. On m’a bien chicottée à l’école pour que je parle cette langue. Les parents étaient d’accord pour qu’on nous fouette. Il fallait parler français. Quand la règle en fer du maître faisait gonfler tes doigts, c’était le français qui pénétrait dans ta chair. Ibid. 19 18La violence physique décrite ici n’est pas condamnée par la narratrice. Celle-ci en fait même un motif de fierté, puisqu’elle est scandalisée, au nom de cette culture française, par l’exposition d’œuvres contemporaines de Takashi Murakami au château de Versailles, qu’elle visite parce qu’elle est accompagnatrice scolaire On avait versé une cargaison de bêtise dans tout Versailles, comme si on voulait seulement gâter ça définitivement. J’ai demandé qui avait fait du vilain comme ça. On m’a donné un nom compliqué Takashi quelque chose. Je ne vais même pas m’embrouiller à retenir le nom du type-là. Tout ce que je peux dire, c’est que lui, il n’est pas intégré. On ne l’a pas chicotté pour faire entrer la France dans son corps. On le reçoit à Versailles, mais il s’en fout de la France. Il n’a pas rêvé de la France. Je n’ai pas beaucoup parlé. J’ai seulement pensé que, si c’était moi qui exposais là-bas, je n’allais pas remplir Versailles avec n’importe quoi. J’ai du respect. Voilà alors comment les Français dérangent les gens avec l’intégration, alors que, la France, ils ont oublié ce que c’est. Ibid. 21 19Le jugement catégorique de la narratrice sur l’exposition se fait au nom du respect » de la France. Ce terme de respect », mis en valeur par le fait qu’il n’a pas de complément respect pour quelque chose, peut s’entendre aussi comme le respect qu’on a pour le maître violent décrit un peu plus haut. L’expression, On ne l’a pas chicotté pour faire entrer la France dans son corps », qui reprend le verbe chicotté » au contexte scolaire décrit plus haut, permet ce rapprochement. De plus, la métaphore dans son corps », qui renouvelle aussi l’image du français qui pénétrait dans ta chair », évoque un viol. La violence transparaît dans les images et la polysémie de certains mots, mais n’est jamais clairement remise en question par la narratrice. La dernière phrase fait même de la narratrice la dernière détentrice de ce qu’est la France » cela, associé à la phrase Il n’a pas rêvé de la France » laisse entendre un fantasme français longtemps nourri, et un certain complexe du colonisé, tel que l’a théorisé Frantz Fanon qui écrit Aussi pénible que puisse être pour nous cette constatation, nous sommes obligé de la faire pour le Noir, il n’y a qu’un destin. Et il est blanc » 1952 10. Il entend par là que celui ou celle qui est reconnue comme noire cherche à ne plus l’être, c’est-à-dire à être considéré comme un être humain capable d’une pensée universelle. Ce livre, qui a plus de soixante-dix ans, témoigne d’un complexe dont on espère qu’il a été partiellement déconstruit, mais dont les traces perdurent, comme en témoignent les textes de Léonora Miano. On peut en effet considérer que rêver de la France » c’est s’approprier un système de valeurs qui s’autoproclame universel. 20La violence subie par la narratrice est donc profondément intériorisée et inconsciente elle transparaît dans sa langue sans jamais donner lieu à des remises en question. Par son travail de la langue, Miano donne à sentir le manque identitaire qui caractérise ses protagonistes. Dévoilement progressif 21Dans d’autres textes, la violence se fait voir peu à peu. Ainsi, le texte Égalité » 2012a 51 donne la parole à une narratrice qui rejette différents témoignages d’amour, ce qui peut sembler, à première vue, étrange Je ne veux plus qu’on m’aime Qu’on me sourie Qu’on m’invite au restaurant Qu’on me tienne la porte Qu’on m’offre des fleurs Je m’en fous Oui Je m’en fous Parfaitement Je ne veux plus qu’on m’aime ». L’explication se fait jour progressivement Si je ne peux pas me loger travailler me réaliser arriver tout en haut Je ne veux plus qu’on m’aime si je ne suis pas dans les livres d’Histoire dans les livres tout court À la tête des institutions et de tout ce qui a une tête » 51. C’est que sous l’amour dont témoigne le début du texte, se trouve le mépris. 6 En plus des travaux de Kimberlé Crenshaw à qui on attribue la maternité du concept, on peut renvoy ... 22Plus loin, l’amour reçu par la narratrice se révèle raciste elle n’est aimée qu’en tant que femme noire, fantasme exotique permettant à l’homme d’assurer son statut dominant Je m’en fous qu’on me Courtise Qu’on me trouve sensuelle avec ma voix grave ma cambrure ma peau ambrée mes fesses rebondies ma peau d’ébène mon port de tête ma peau mes jolies tresses ma peau et tout le reste Qui n’est pas moi d’ailleurs mais c’est un autre débat » id.. Les quatre répétitions de ma peau » induisent la fascination raciste qui anime le regard aimant. De plus, l’insistance sur la cambrure, les fesses, les tresses et le port de tête dépeint une image stéréotypée de la femme africaine largement dénoncée par les féministes intersectionnelles6. 23L’expression de la convivialité se fait alors métaphore de la violence Je ne veux plus qu’on trinque Qu’on se taille une bavette Qu’on se fasse une raclette Ni rien J’en ai soupé de la fraternité sans égalité » id.. L’expression on trinque » peut signifier aussi on souffre ». La confrontation des divers niveaux de langue traduit aussi cette fausse jovialité qui vient dissimuler des rapports de force. La même ambiguïté se retrouve dans j’en ai soupé » qui fait le lien entre les invitations au restaurant et la lassitude de la narratrice. Le verbe tailler », dont le sens actualisé ici est le sens métaphorique, laisse pourtant, dans ce contexte, entendre son sens littéral et évoque alors une forme de violence. Ce n’est que dans les dernières lignes du texte que le thème annoncé par le titre est évoqué J’en ai soupé de la fraternité sans égalité Ce serait quoi la fraternité si ça ne marquait pas avec l’égalité Ce serait quoi la fraternité ce serait quoi à part une plaisanterie douteuse La fraternité si ça ne marchait pas avec l’égalité » 51. 24Ce texte aborde seulement par l’implicite l’impression d’être méprisée, de ne pas avoir la possibilité de s’exprimer, sauf à s’adapter à un stéréotype avilissant de femme noire sensuelle la langue de Miano permet ainsi de donner corps à la sensation de manque identitaire qui anime la narratrice. Effets de chute et sentiment de mort 25Enfin, il arrive que la violence soit dévoilée seulement par la fin du texte, ce qui crée un effet de chute. Il permet, dans les deux exemples que je vais présenter, de témoigner du sentiment de mort et de dépossession de soi que peut générer le racisme. Par exemple, le premier monologue, Couleur », évoque longuement un rêve de petite fille que j’ai déjà commenté, pour se terminer par l’envie d’en finir, en silence » 2012a 14 cette dernière phrase projette sur le récit du rêve tout son poids de malheur, conférant à l’extrait une dimension tragique. De plus, la précision en silence » souligne le non-dit de la tristesse dans ce qui précède. 26Le texte Forum des Halles » relate l’expérience d’une narratrice noire qui est accostée par des femmes roms lui proposant de la voyance. Ces dernières lui affirment qu’elle a besoin d’aide parce qu’il y a un voile noir ». La narratrice analyse la dimension raciste du propos. Elle parvient à avoir une perception généralisante de la situation, comprenant qu’elle est visée en tant que femme noire, indépendamment de son individualité Elles se dirigent spontanément vers les femmes noires Je m’en aperçois chaque fois que je passe par là ». Elle réussit à répondre avec ironie Je hausse les épaules Je leur dis que Dans ce cas elles ne peuvent rien voir S’il y a un voile ». Enfin, elle protège sa personnalité, se dissocie des paroles des femmes roms Elles ne peuvent pas me voir telle que je suis Elles ne peuvent rien savoir de moi ». Cette attitude de résistance et de prise de distance est pourtant fortement nuancée par la chute En les quittant Les femmes roms de la Porte Lescot J’ai le sentiment d’avoir été enterrée vivante » 2012a 66. La métaphore du voile noir » qui traverse tout le texte change de signification dans la bouche des femmes roms, il est signe de malédiction ; au contraire, la narratrice y voit une métaphore du racisme, qui empêche les femmes roms de percevoir son individualité. Elle rejette alors ce racisme avec ironie ; et pourtant, dans la chute, ce voile noir se fait linceul inversé le linceul, traditionnellement blanc, devient noir. Cette inversion rassemble finalement les deux premières significations en une seule bien que la narratrice soit capable de comprendre la dimension raciste du propos des femmes roms, elle intègre pourtant l’idée d’une malédiction, qui ne serait pas la couleur de la peau mais le racisme qui y est attaché. Il faut ajouter que Léonora Miano utilise une métaphore reprise à W. E. B. Du Bois pour décrire la façon dont les Noirs perçoivent le monde, signifiant que leur perception est construite par l’expérience du racisme, ce qui semble bien être le cas de la protagoniste, malgré sa conscience du phénomène. Ce texte utilise donc l’effet de chute pour montrer, au cœur même de la résistance et de la prise de distance, le sentiment de mort et de dépossession de soi imposé aux victimes du racisme. 27Les deux exemples que je viens d’évoquer décrivent un sentiment de mort ressenti par les narratrices. C’est sur ce ressenti que se construit, d’après Nathalie Etoke, la melancholia africana, qu’elle décrit ainsi Esthétique du malheur et de la souffrance confrontée au refus de mourir, la melancholia africana est un concept extensible qui examine comment les Subsahariens et les Afrodescendants gèrent la perte, le deuil et la survie dans une pratique du quotidien contaminée par le passé. C’est aussi l’expression d’un être dans son monde et dans le monde de l’Autre. Cette coexistence se caractérise par des déséquilibres et des conflits hérités de la rencontre originelle qui parasitent la dynamique relationnelle. […] Ici la traite négrière, l’esclavage, la colonisation et la postcolonisation sont des points de repères objectifs, tangibles et implacables. Au lieu de paralyser les Subsahariens et les Afrodescendants dans une victimisation permanente, ils les obligent à agir, à se réinventer, à renaître de leurs cendres. L’ouverture au monde de l’autre a lieu à travers l’épreuve de la destruction, de la douleur et de la faiblesse. Paradoxalement, cette triade de la vie surgit de l’anéantissement. 2012 28 28La richesse de cette analyse est de faire de l’épreuve de la destruction, de la douleur et de la faiblesse », que j’ai mise en valeur dans cette partie, la condition d’une renaissance. Chez Léonora Miano, cette renaissance se traduit souvent par l’évocation du jazz et du blues, formes de création artistique qui prennent racine dans l’esclavage et la ségrégation. Jazz 29Léonora Miano revendique l’influence du jazz sur son écriture elle déclare par exemple Le jazz m’a donné ma voix d’auteur » 2012b 17. Pour elle, cette musique est celle de la rencontre entre différentes cultures C’est la rencontre de la ruralité du blues avec l’urbanité, c’est la mutation des rythmes, donc de la vie et, bien entendu, le croisement d’une empreinte africaine – bien plus présente dans le blues ou les work songs – avec une forme de sophistication, de raffinement à l’occidentale. Le jazz est cette esthétique qui mêle harmonieusement des univers apparemment antagonistes » 16-17. Selon cette définition, la musique évoque ce que Léonora Miano appelle les identités frontalières » Par ailleurs, nos territoires souffrent d’un déficit de traces historiques, écrites notamment, qui ne permet pas de savoir avec certitude quelle était la vie de nos ancêtres. Si toutes nos traditions n’ont pas disparu, il n’en demeure pas moins que nos peuples sont, aujourd’hui, devant la nécessité de se recréer, de se réinventer. C’est un défi. Il n’est possible de le relever qu’en acceptant, aussi douloureux que cela puisse sembler quelquefois, d’habiter ces identités frontalières que l’Histoire nous a léguées. Nous abritons à la fois ce que la rencontre avec les autres peuples a imprimé en nous, et ce que l’Afrique ne cesse de nous donner. Ibid. 27 30Rejoignant ainsi sa réflexion sur le concept d’Afropea présenté en introduction, Miano revient sur l’inanité d’opposer cultures africaines et culture occidentale, pour au contraire penser la rencontre comme une association, la frontière comme un passage. 31Je verrai maintenant comment le jazz, conçu à la fois comme une musique avec ses caractéristiques formelles et un idéal éthique de rencontre avec l’altérité, informe l’énonciation dans Écrits pour la parole. 32Commençons par donner une définition, nécessairement vague, du genre protéiforme qu’est le jazz. Raphaëlle Tchamitchian propose d’en retenir trois traits essentiels, qu’on retrouve dans toutes les mouvances du jazz, de celui de la Nouvelle Orléans au free-jazz elle fait part d’un consensus qui s’est établi autour de trois qualités définitoires du jazz entendu comme un genre musical le traitement particulier du son, la mise en valeur spécifique du temps musical et la présence d’improvisation » 2019 23. Le traitement particulier du son auquel elle fait référence est celui qui ne cherche plus à faire oublier, comme dans la musique classique, le corps de l’interprète et de l’instrument, bruits de bouche et frottements ; elle revient sur le second élément, une mise en valeur inédite du temps musical appelé le swing » 24 un peu plus loin. Le terme de swing », qui signifie balancement » en anglais, témoigne d’un jeu, d’un léger décalage avec le temps de la pulsation. Enfin, l’improvisation induit l’originalité de chacune des performances et la liberté de l’interprète à l’égard de l’œuvre. La célébration de la rencontre 33L’influence du jazz se remarque d’abord dans le traitement de la ponctuation et la syntaxe. En effet, l’absence de point et la présence de majuscules imprévisibles, donnent à la phrase une forme de swing, surtout si on imagine une performance orale de ces textes. Les pauses du discours, normalement signalées à l’écrit par des points, se font moins nettes, ce qu’on pourrait rapprocher d’une façon de marquer les pulsations avec plus de souplesse dans le swing. 34De plus, de nombreux textes jouent avec un système de répétition incantatoire, ce qui rythme aussi l’énonciation on peut imaginer en effet que l’anaphore de je suis » dans Afropéa », par exemple, invite à inspirer avant, et à faire commencer la phrase Je suis Ne cherche pas ma place la crée la tienne aussi Je suis N’éprouve ni haine ni crainte Je suis ni haine ni crainte J’écris les pages de mon histoire la tienne » 2012a 28. On voit bien dans cet extrait comment la caractéristique formelle du swing s’associe à la signification symbolique du jazz la prose swinguée de Miano ici se fait affirmation d’être par-delà la souffrance, dans une attitude qui rejoint la melancholia africana de Nathalie Etoke l’anaphore je suis », quand elle est suivie d’une majuscule comme dans Je suis Ne cherche pas » ou Je suis N’éprouve ni haine », donne au verbe être une valeur absolue. De plus, on voit aussi dans cet extrait comment la suppression de la ponctuation et l’assouplissement de la syntaxe rendent l’énoncé ambigu par exemple, N’éprouve ni haine ni crainte » peut se lire comme une ellipse du sujet je », et donc un présent de l’indicatif, ou comme un présent de l’impératif. 35L’influence du jazz se fait particulièrement sentir dans ce texte, qui a pour thème un concept cher à Miano, Afropea. L’autrice désigne par là un espace mental de référence pour les Afropéens, c’est-à-dire les Noirs qui se reconnaissent avant tout dans une culture européenne mais qui sont régulièrement renvoyés, parce qu’ils sont noirs, à leur part d’africanité. Afropea devient alors l’occasion de penser ensemble différentes cultures, de concevoir leur rencontre comme une potentialité créative, et on voit bien en quoi le jazz peut se faire l’image de cet idéal. On lit Mes frontières assemblent ne séparent pas assemblent ne tranchent pas assemblent ne découpent pas assemblent ne mutilent pas » ibid. 28. Le rythme de la syntaxe peut aussi évoquer le jazz, par le jeu de la régularité et de l’irrégularité on entend l’association d’un groupe de trois ou quatre syllabes ne séparent pas », quatre syllabes ; ne tranchent pas », trois syllabes ; ne mutilent pas », quatre syllabes et de deux syllabes de assemblent » qu’on peut imaginer prononcées un peu plus fort pour souligner l’insistance induite par la répétition. Le sens quant à lui affirme bien l’idéal du jazz, qui est celui de la rencontre et de la fécondation réciproque des cultures. 36D’autres textes célèbrent aussi la richesse de la rencontre, comme Ourey ». Une narratrice raconte l’histoire de sa famille sur quatre générations, en mettant en valeur les croisements de nationalité un arrière-grand-père qui a été tirailleur sénégalais et une arrière-grand-mère parisienne, une grand-mère paternelle guadeloupéenne, deux grands-parents maternels vietnamiens. La narratrice a donc trois prénoms, qui reflètent les différentes cultures dont ses ancêtres sont porteurs Ourey, Garance, Phuong. Cette multiculturalité, dans un recueil qui aborde largement les problèmes de racisme, peut susciter chez le lecteur l’attente d’une évocation douloureuse ou violente. Au contraire, le texte se termine par Mon nom usuel, c’est Ourey Phuong Fall. Je trouve que ça en jette. Ça a du caractère » ibid. 18. Les cultures s’associent pour former ce je » qui clame ses prénoms et ses racines, et qui les valorise. La présence afropéenne en France 37Le jazz n’évoque pas seulement cet idéal solaire de créativité par-delà le malheur et de rencontre harmonieuse de l’altérité. Il est aussi, pour Christian Béthune, un décentrement le jazz oblige la culture occidentale à se décentrer » 2008 8. En effet, le jazz reprend certains codes de la musique occidentale tonale, mais en les déformant ainsi, l’improvisation, reconnue dans ses formes diverses comme l’une des caractéristiques essentielles du jazz, induit un infléchissement du rapport de l’interprète à l’œuvre et à la partition, si partition il y a encore. De même, l’harmonie du jazz peut être analysée comme une distorsion de l’harmonie tonale, dans le sens où elle privilégie les accords de quarte et les notes altérées. De plus, le jazz, dès sa naissance à la Nouvelle Orléans dans les années 1910, se construit souvent à partir de standards, qui sont des extraits de musiques régulièrement tirés d’un contexte occidental pour être ensuite modifiés et incorporés dans un morceau de jazz. Christian Béthune déclare ainsi que le jazz permet de rendre la pensée occidentale exotique à elle-même » 8. 38On retrouve dans la langue utilisée par Miano dans ces Écrits pour la parole cette façon de rendre le français exotique à lui-même, pour paraphraser Christian Béthune. J’ai déjà étudié les africanismes qui se font entendre dans Pulchérie » pour en donner quelques exemples supplémentaires, on peut citer Il n’y a pas de honte là » 2012a 19, La femme-là m’a suppliée, jusqu’à. Elle m’a trop suppliée » 19, ou Ici, les enfants ne se comportent pas » 19. Nul besoin d’une connaissance approfondie du français du Cameroun pour comprendre le sens de ces phrases. Pourtant, on perçoit bien que le code linguistique n’est pas exactement celui du français de l’hexagone. Il se produit alors un effet d’inquiétante étrangeté inquiétante, surtout, pour celles et ceux qui se cramponnent à la quête d’une pureté de la culture occidentale et de la langue française proche de celui que procure le jazz, si on l’écoute en ayant dans l’oreille l’harmonie de la musique tonale occidentale. 39Le texte Binarité » associe directement le jazz à cette capacité à la rencontre harmonieuse des cultures, qui donne lieu à une inquiétante étrangeté dans la langue française. Ainsi, le texte part d’une assertion qu’il critique Le pays dit Noire ou Française » ibid. 73, pour ensuite déclarer La binarité ce n’est pas français Ce n’est pas le mieux Ce n’est pas ce qui groove le plus Ce qui swingue le plus Ce qui promet le plus » 73. Les métaphores du groove et du swingue évoquent le jazz. Un peu plus loin, cette évocation du jazz devient une proposition à la transformation de la langue française Le mieux c’est la fusion ; Française noire Le mieux c’est l’addition Française et Noire qui ouvre sur le ternaire puisqu’un troisième terme en sortira Le mieux c’est la conjonction de coordination Noire de France où la fusion est un équilibre une perspective une voie sûre » 73. La référence musicale revient avec le terme ternaire » qui désigne un type de construction rythmique. La fin du texte permet la réalisation de ce troisième terme » Celles qui accouchent de l’à-venir se disent Afropéennes » 73. Ce terme d’Afropéennes est aussi porteur d’inquiétante étrangeté en tant que mot-valise, il est aisé à comprendre, même pour celle ou celui qui le lit pour la première fois, et pourtant, il n’est pas tout à fait entré dans le dictionnaire. Il en est de même pour l’à-venir » qui se confond avec avenir » à l’oral mais laisse lire son étrangeté. Conclusion 40Dans Écrits pour la parole Léonora Miano multiplie les énonciateurices. Cela lui permet d’explorer les différentes façons de faire entendre la racialisation dans les discours elle met tour à tour en scène le tabou qui pèse sur les questions de race, le poids de violence des mots racistes, et la possibilité créative d’une culture afropéenne dans la langue française. 41Il me semble que la force de ces textes est de faire avec ces questions sociologiques œuvre littéraire au-delà d’une compréhension rationnelle des processus sociaux à l’œuvre dans la racialisation, ce que sans aucun doute un essai de sociologie aurait pu nous apprendre aussi, Léonora Miano nous fait ressentir le poids de cette racialisation, nous fait faire corps et âme avec les protagonistes qui font entendre leur voix. En donnant voix, par le texte et bien plus par la mise en scène, elle propose aussi un geste d’empowerment le fait même de dire la racialisation devient geste d’affirmation face à l’injonction au silence. Peut-être que se joue ici le rôle, ou l’un des rôles, de la littérature si elle veut réparer le monde », ce qui semble être, d’après Alexandre Gefen, le tournant de la littérature contemporaine 2017. 42Une partie de ces textes a été portée à la scène par Éva Doumbia dans le cadre de son spectacle Afropéennes », composé de Blues pour Elise et de Femme in a city » , deuxième partie des Écrits pour la parole, créé au Festival Francophonies en Limousin en septembre 2012. La mise en scène permet à Eva Doumbia d’explorer d’autres aspects de la race dans l’énonciation, en jouant notamment sur les accents antillais ou camerounais, et surtout sur les musiques et les danses, lesquelles habitent déjà le texte de Léonora Miano.
Jene dirai rien Black M Album Les yeux plus gros que le monde Refrain – Black M T’aimes te faire belle, oui, t’aimes briller la night T’aimes les éloges, t’aimes quand les hommes te remarquent T’aimes que l’on pense haut et fort que t’es la plus Oh ! Je ne dirai rien T’aimes te faire belle, oui, t’aimes briller la night
Santé En 2016, 20 % des adolescents disaient avoir vécu dans les six derniers mois une forme d’amnésie après avoir consommé de l’alcool. C’est une chaleur lourde et collante » qui l’a réveillée. Dans la tente bleu nuit, l’air était devenu irrespirable. C’était comme me réveiller d’entre les morts », se souvient Isabelle H., alors étudiante en marketing de 23 ans. A côté d’elle, une inconnue sommeille. Alors commence pour la jeune festivalière d’un soir le flot de questions sans réponse ». Comment est-elle arrivée là ? Qui est la personne à côté d’elle ? Où sont les amis avec qui elle a passé la soirée ? Et d’ailleurs, quand s’est terminée cette soirée ? Comment ? C’était il y a deux ans son premier et seul black-out », une amnésie partielle ou totale due à la consommation d’alcool. Et avec lui, le sentiment que tout s’effondre ». Comme dans un dessin animé, quand le personnage continue de courir alors que la falaise s’est terminée, et chute dans le vide », dit la jeune femme, qui reconnaît avoir eu ce matin-là la peur de sa vie ». Elle n’avait pourtant pas le sentiment d’avoir beaucoup bu ». Et ne comprend pas comment elle a pu autant partir en vrille ». Bien sûr, ses amis l’ont trouvée particulièrement enjouée et dansante ». Mais ne continuait-elle pas à leur parler, à prendre des initiatives ? Et puis, ils avaient tous bu la même chose », alors pourquoi s’inquiéter ? Aujourd’hui, ce qu’il s’est passé reste pour moi un mystère », reconnaît Isabelle H., qui n’a jamais connu de nouvelle amnésie due à l’alcool, et en garde encore plus un sentiment d’irréalité ». Etudes récentes Nous n’en sommes qu’aux balbutiements de la recherche sur ce sujet », reconnaît humblement Mickael Naassila, directeur de l’unité sur l’alcool et les pharmacodépendances à l’université de Picardie. D’abord, parce que le sujet d’étude est relativement récent Très longtemps, on a cru que seuls les alcooliques étaient sujets à ce genre d’épisode amnésique. » Ce n’est qu’en 1995 qu’un premier chercheur, Donald W. Goodwin, mène une étude auprès de ses étudiants en première année de médecine 33 % de ces buveurs occasionnels affirmaient avoir connu au moins un black-out. Dans les années 2000, l’étendue du phénomène est mise en lumière par des enquêtes épidémiologiques interrogeant les jeunes sur leur consommation d’alcool. En 2016, une enquête britannique montrait ainsi que 20 % d’un échantillon de 2 140 adolescents avaient vécu dans les six derniers mois une forme d’amnésie après avoir consommé de l’alcool. Lire Les étudiants sont plus concernés par le “binge drinking” que les autres jeunes » Des informations que le cerveau ne peut plus encoder A quoi sont-elles dues ? Les études montrent que l’alcool perturbe fortement l’hippocampe, cette zone cérébrale qui joue un rôle de premier plan dans les processus de mémorisation. Le sujet vit des informations que son cerveau ne peut plus encoder pour les stocker sous forme de souvenirs à long terme. C’est comme une cassette pour laquelle on aurait cessé un temps d’appuyer sur le bouton enregistrer », résume Aaron White, neuroscientifique au Duke University Medical Center, en Caroline du Nord. Le black-out n’a donc rien à voir avec une perte de conscience, du type coma éthylique. Aucun signe extérieur ne permet en effet de l’anticiper – la personne garde un certain contrôle de sa motricité, même s’il est souvent dégradé. Pour Arthur N., architecte de 31 ans régulièrement sujet aux black-out, c’est l’aspect le plus bizarre de ces moments ». On est en soirée, on se sent plutôt bien, et d’un coup, on se réveille et d’autres nous racontent ce qu’on a fait. C’est comme une crise de somnambulisme », témoigne celui qui dit beaucoup s’interroger » sur ce qui le rend si particulièrement sensible par rapport à [ses] amis ». Les femmes plus sujettes Là encore, le sujet est difficile à étudier, rappelle Mickael Naassila Il faudrait pouvoir commencer une étude au tout début de la consommation d’alcool, suivre ces phases d’amnésie quand elles surviennent et pas après coup, quand justement le sujet ne se souvient pas forcément. Ça pose des difficultés au niveau éthique, et en termes de ressources financières. » Deux fois plus de risques » à partir de 3 grammes d’alcool dans le sang Reste que la science parvient progressivement à établir certains ressorts. C’est linéaire, plus vous buvez, plus vous avez des atteintes sur l’hippocampe », résume le chercheur américain Aaron White. A partir de 3 grammes d’alcool dans le sang, il y a ainsi deux fois plus de risques de faire un black-out », souligne Mickael Naassila. De la même manière, plus on consomme vite cet alcool, plus le risque est grand. Mais impossible pour autant de déterminer des seuils critiques universels, car nous ne sommes pas égaux face au black-out alcoolique », reconnaît le chercheur de l’université d’Amiens. Sexe, âge, corpulence, état de fatigue, satiété, consommation d’autres substances altérant notre organisme il existe de nombreux facteurs qui déterminent notre réaction à l’alcool à un temps T. Lire Deux cuites, et une mémoire qui flanche Les femmes sont ainsi plus sujettes aux pertes de mémoire, selon les études. Car même à poids et corpulence identique à un homme, elles présentent une masse graisseuse plus importante qui ne permet pas une aussi bonne absorption de l’alcool. En outre, le risque de black-out est accentué dans les phases prémenstruelles et ovulatoires. En 2017, un groupe de chercheurs de l’université de Palo Alto en Californie a ainsi publié une étude montrant que les femmes ont une amnésie en buvant en moyenne trois verres de moins que les hommes. Génétique et tempéraments Les études ont également pu mettre en lumière certaines prédispositions génétiques à ces amnésies. Ainsi, les individus dont la mère a eu un passé alcoolique sont plus à risque, selon une étude de 2015. Enfin, les traits de personnalité et les tempéraments jouent », affirme Mickael Naassila. Parmi les sujets étudiés, ceux qui montrent le plus fort penchant social pour la fête », et qui donc sont moins inhibés sur leur manière de consommer de l’alcool, ont tendance à être plus sujets aux pertes de mémoire. Les études montrent en outre que plus on vit de black-out, plus on est amené à en vivre. Il y a plus de sensibilité sous réalcoolisation », résume Mickael Naassila. Dès lors, se pose évidemment la question des conséquences de ces épisodes. Pour l’heure, aucune différence de compétences mémorielles n’a été prouvée sur les sujets à jeun ayant expérimenté des black-out. Pourtant, on pressent qu’il y a des conséquences », affirme Aaron White, qui répète que dans le domaine, beaucoup de choses sont encore largement méconnues ». Risques de viols ou d’agressions Sur les corps, c’est une autre histoire. Les black-out alcooliques représentent un risque majeur pour les individus, et multiplient les risques de viols ou d’agressions. Une étude a ainsi montré que les femmes qui connaissent des black-out sont plus susceptibles d’être impliquées dans des comportements sexuels risqués ». A ce sujet d’ailleurs, la législation reste très floue, et il n’est pas toujours facile de prouver que la victime était non consciente, alors qu’elle n’agissait pas nécessairement comme telle. Pour Anne C., les black-out étaient devenus au fil des ans comme un mauvais pote de soirée ». Ils revenaient à un rythme irrégulier, parfois une fois par mois, puis plus rien pendant six mois ». Sans cohérence aucune », dit cette Parisienne d’adoption qui travaille dans le milieu de la restauration Il y a des fois où ça m’arrivait alors que j’avais clairement moins bu qu’à d’autres soirées où je me souvenais de tout. » A 34 ans, elle a connu plusieurs fois le flip total au réveil ». Ne pas savoir où on est, avec qui, se sentir comme une machine dont tous les rouages sont cassés » la serveuse reconnaît s’être mise en grave danger plusieurs fois ». Même si elle se disait surprise parfois des compétences qu’on garde ». Jamais ces soirs-là elle n’a oublié de prendre sa pilule – même si elle n’avait aucun souvenir de l’avoir prise. A force, Anne C. a commencé à changer sa manière de boire. Clairement, je contrôle beaucoup plus ma consommation. Je compte les verres et je n’ai pas eu de black-out depuis plus d’un an, dit-elle. Mais j’ai le sentiment que rien ne peut complètement m’en protéger. » Charlotte Chabas
Ethonnêtement, je ne regrette rien. Même les mauvais moments ", surenchérit-elle. Kate Winslet est maman de trois enfants visiblement comblés :
Qu’écrit Jacques Henric au début de Guerre et paix, son article sur Portraits de femmes paru dans le n° 397 d’art press février 2013 ? On le sait, Philippe Sollers est un grand lecteur de Clausewitz et de Sun Tzu. Il a su très tôt qu’une connaissance de l’art de la guerre était une efficace propédeutique pour qui nourrissait l’ambition d’écrire. De toute guerre, y compris celle du goût, qui n’est pas la moins violente. Et que dire de la guerre des sexes. Si nous doutions de la réalité de celle-ci, les affrontements actuels des pro- et anti-mariage gay nous la remettraient crûment en mémoire. La paix par l’unisexe ? Tu parles ! Guerre "fatale et immémoriale", rappelle Sollers, et ce ne sont ni Freud ni Lacan, ni l’antique tragédie grecque, ni les écrits bibliques, ni la grande littérature universelle qui le contrediront. Ce constat fait, après maintes enquêtes menées sur le terrain et dont rendent compte ses romans, de Femmes à L’Éclaircie mais le tout premier, Une curieuse solitude, ouvrait déjà la voie, Sollers, lui, propose une méthode pour aménager au sein de cette guerre des "pauses, des intervalles, des éclaircies". "Mieux on fait la guerre, mieux on goûte la paix. La paix en pleine guerre, voilà le sujet." » Femmes. Trente [huit] ans déjà et d’une actualité qui n’a rien perdu de sa force de percussion [1]... Flash back. Dossier du 17 mai 2008 entièrement remanié le 11 janvier 2011, complété le 16 janvier 2013 et le 6 février mise en ligne le 7 février 2018. Picasso, Les demoiselles d’Avignon, Paris, 1907 243,9 x 233,7 cm Couverture de Femmes » dans l’édition folio. I. SOLLERS À PROPOS DE FEMMES IMAGES ET SONS Apostrophes, émission du 4 février 1983 Un livre des voix, émission du 15 février 1983 ENTRETIENS Art press janvier 1983 — Pourquoi un roman réaliste » ? la mutation de l’élément féminin dialogue entre la tradition du roman critique et la bible grossesse symbolique libertin et catholique une mère, ce n’est pas grand-chose la confusion sexuelle érigée en loi Le Magazine littéraire mars 1983 Entretien avec Brochier Pariscope, Entretien avec Bénamou II. INVENTAIRE Les femmes dans Femmes Kate et sa fille / Cyd Mac Coy YSIA Bernadette Emma Bovary Louise la claveciniste III. FEMMES ET UNE CERTAINE CRITIQUEDaniel Rondeau, L’amour à crédit Libération, 3 février 1983 Laurent Dispot, Sollers est-il fasciste ? Le Matin, 4 février 1983 Le duel Philippe Sollers/Laurent Dispot — La création de la revue L’Infini 20 février 1983 Dominique Fernandez, Des milliers de petits points L’Express, 4 février 1983 Jean-Paul Enthoven, Sollers dans l’effet-mère Le Nouvel Observateur, 11 février 1983 RÉPONSE Philippe Sollers, Le mauvais genre Le Nouvel Observateur, 15 avril 1983 Josyane Savigneau, Pour en finir avec les " années de plomb " Le Monde, 24 mars 1990 IV. FLASH BACK Georges Cukor, The women 1939 * Philippe Sollers publie Paradis en janvier 1981. Deux ans plus tard, en janvier 1983, c’est la sortie d’un nouveau roman, Femmes 570 p.. 1983 est une date importante à bien des égards passage des éditions du Seuil à la maison Gallimard ; fin des années Tel Quel 94 numéros, création d’une nouvelle revue, L’Infini 113 numéros aujourd’hui [en 2008], d’abord accueillie par Denoël avant de rejoindre, elle aussi, Gallimard. Paradis, à sa sortie, a fortement perturbé, d’abord par sa "forme" pas de ponctuation visible », il est difficile de dire s’il a vraiment été lu dans sa "polylogique" effervescente. Femmes va assez vite connaître un grand succès et être, plusieurs semaines, dans le hit parade des meilleures ventes, au point qu’aujourd’hui-même Sollers passe presque pour n’être que l’auteur d’un seul roman connu celui-là. Personnellement, j’ai lu le livre, à sa parution, trois fois de suite en trois jours, en six jours, et, enfin, en neuf on relit ou réécoute les entretiens que Sollers a pu donner à l’époque ainsi que les critiques pas toutes, mais enfin, certaines, parues dans quelques journaux de "gauche", que vous lirez plus loin [2], on est bien forcé de reconnaître que Femmes a fait, de la part de ceux qui font profession de lire, l’objet d’un malentendu aussi grand que Paradis. Est-ce étonnant ? Non si on comprend que, au-delà des différences d’apparence formelle trop de ponctuation ?, c’est bien la même pensée, les mêmes "thèses" ou thèmes qui s’expriment dans les deux romans. Et comment pourrait-il en être autrement puisque l’écriture de Paradis se poursuit parallèlement Paradis II sera publié en 1986. Vingt-sept ans [trente-huit] après la publication de Femmes, et pour en comprendre le sens, à bien des égards prémonitoire, sous des apparences de "solde" des années 70, n’est-il pas utile de relire les différentes pièces du dossier ? * Images et sonsApostrophes Sollers invité de Bernard Pivot, sur Antenne 2, le 4 février 1983. Avec, notamment, Claude Mauriac, Jeanne Folly, Jean-Pierre Tison et Gabriel Matzneff [3]. Désolé, votre navigateur ne supporte pas la balise vidéo HTML5 en format MP4/H264 L’émission complète sur * Un livre, des voix Sollers sur France Culture le 15 février 1983 lors de l’émission présentée par Pierre Sipriot . Entretien avec Georges Perroux. Lecture d’extraits de Femmes par Roger Coggio, Maya Simon, Philippe Clévenot. Avertissement Malgré la qualité très inégale, voire mauvaise, de certains extraits de l’enregistrement, il nous a semblé intéressant de vous faire entendre ce document il y en a peu sur ce roman fondamental et toujours actuel. 1ère partie. Présentation de Georges Perroux. 2ème partie. Lecture JANE folio, p. 180. 3ème partie. Sollers les femmes et le romanesque. 5ème partie. Sollers Stendhal — les romanciers aujourd’hui ne font pas leur travail ». 6ème partie. Lecture YSIA folio, p. 399. Il faut savoir transformer une femme en faim. ». 7ème partie. Sollers la victoire du roman est d’obliger les gens à ressembler à des personnages de roman ». Dernière partie. Lecture Nous sommes tous des ombres de JE SUIS ». Crédit découpage réalisé à partir des archives de Philippe Di Maria et Albert Gauvin. * art press n° 66, janvier 1983. A la fin ce mois, aux éditions Gallimard, Philippe Sollers publie un roman, Femmes, un vrai roman avec des personnages évoluant dans des situations précises et un narrateur plongé dans la vraie vie, qui travaille, téléphone, prend l’avion et l’autobus, regarde la télé, joue au tennis, etc. Si l’on pouvait, avec Sollers, s’attendre à tout, c’est quand même là une énorme surprise ! Quoi, l’auteur de Paradis, le directeur de Tel Quel, le révélateur de Sade et de Joyce, le lecteur provocant de la Bible, l’inventeur enfin d’une nouvelle fiction qui prêchait, croyions-nous, pour une écriture sans ponctuation, lançant maintenant ce pavé dans la mare, un roman divisé en chapitres, entièrement ponctué et plein de dialogues ? On imagine déjà le scandale que ce livre va produire dans le landerneau littéraire si frileux et si méfiant dès qu’ un des leurs » change de place, échappe, s’aventure. Sans parler des thèses sur la sexualité que Sollers y expose, sans parler non plus des types féminins qu’il met en scène, livrant sans déguisement, presque crûment, une sorte de journal intime de ses relations avec les femmes. Scandale encore, car ce roman est un roman à clés où Sollers évoque des gens très en vue qu’il saisit dans leurs coulisses, des personnalités tout à fait reconnaissables de l’espèce de société secrète qu’est notre bonne société intellectuelle française dont on découvrira, dans Femmes, de quels amours et de quelles haines elle est faite. Ce roman, pour nous, constitue un véritable événement. Roman philosophique, vaste méditation métaphysique, épopée du sens, fiction tragico-comique, Femmes s’impose aussi comme le grand roman réaliste » qu’appelait notre publions ici, en avant-première, quelques extraits de Femmes ; Sollers, dans l’interview qui suit, s’explique sur son livre. Profitons de l’occasion pour signaler que la revue et la collection Tel Quel quittent les éditions du Seuil et changent de titre ; devenues L’infini, elles sont désormais éditées par Denoël. Le premier numéro de L’infini — énorme et passionnant — paraîtra début février. Catherine Francblin * pourquoi un roman réaliste » ? Sollers, 1983, art press 66. Pourquoi après Paradis, ce roman-là, Femmes ? roman avec de la ponctuation, des chapitres, un récit, des personnages » ... Y-a-t-il un lien entre ces deux livres et de quelle nature est-il ? Cela fait partie d’un travail sur la mise-en-scène de Paradis. C’est la fabrication de l’éclairage, de l’espace imaginaire et social à l’intérieur duquel le relief de Paradis doit être perçu. J’ai souvent comparé Paradis à une sculpture. Bien entendu, on pourrait imaginer que cette sculpture existe en soi, il n’en reste pas moins qu’elle est concrètement, ici et maintenant, dans un espace socio-historique. Il m’a semblé — et c’est un problème d’architecture — que si je ne traitais pas le pourtour, le volume à trois dimensions dans lequel Paradis fait semblant d’être, il y aurait de ma part une erreur redoutable, une erreur technique. C’est-à-dire que je laisserais passer le réglage du regardeur sur Paradis, et c’est la raison pour laquelle, dans ce livre, bien que ce soit assez latéral, le point de vue qui est dégagé consiste dans un dédoublement du narrateur qui, donc, dans une autre dimension que celle de Paradis, me considère comme étant, moi, moi qui parle ici, l’auteur de Comédie je ne suis pas présenté en effet comme l’auteur de Paradis mais de Comédie. Il s’agit de quelqu’un qui est vu de l’extérieur, qui serait filmé en train d’écrire ce livre. Il me fallait un narrateur qui soit moi et pas moi, et qui puisse faire état à mon propos du racontar ; du racontar social, du racontar sexuel... Par ailleurs, j’ai constaté que la réception de Paradis pourrait être fétichisée et que le contenu de ce livre — contenu extrêmement insistant du point de vue du sens, car il ne s’agit pas du tout d’une articulation de l’inarticulé ou de l’inarticulable, mais bien d’un livre en expansion, bourrée de thèses claires, martelées, sur l’interprétation sexuelle — que ce contenu, si je ne le donnais pas sous la forme d’une interprétation réaliste, disparaîtrait dans la fétichisation même du livre. la mutation de l’élément féminin Pourquoi cette mise-en-scène là ? autrement dit, pourquoi ce titre Femmes » ? Je voulais que cette mise-en-scène porte sur les configurations nouvelles qui se développent à partir de la mutation de l’élément féminin. Il n’y a pas de tournant dans la littérature ou dans l’art qui n’implique le surgissement d’une nouvelle conception de l’élément féminin. Voyez, au siècle dernier, Baudelaire et Flaubert, Madame Bovary et les Fleurs du Mal. Ce sont des événements considérables, sanctionnés d’ailleurs par le tribunal. Ces livres portent bien, par une intervention révolutionnaire, sur l’image féminine. En peinture — j’en parle dans Femmes — je vois quelque chose du même ordre dans l’Olympia de Manet. Bataille, dans un mot fameux, disait L’Olympia, c’est la destruction de l’Olympe ». Il a souligné à quel point ce tableau avait fait tourner toute la problématique de la Vénus classique. C’est la première fois qu’on représentait le côté restreint et mortel de l’idole féminine. L’autre exemple, c’est les Demoiselles d’Avignon dont je parle beaucoup dans Femmes aussi, et qui n’est pas par hasard un tableau resté pendant 16 ans dans un suspens bizarre... La mutation fondamentale se passe dans la représentation, ou les échecs à la représentation, de l’image féminine. Pour le roman il en va de même. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi que le narrateur soit non-français il est Américain. Ça me permet de montrer quoi ? Eh bien que la France aujourd’hui peut être regardée depuis le plus intérieur, c’est-à-dire la sexualité, dont les Français sont très jaloux, très cocardièrement fiers, par un étranger qui serait, plus qu’aucun Français, au fait même de la question. Ce narrateur se définit comme faisant lui-même une sorte de tri dans la culture française, là où il s’agit non seulement des habitudes sexuelles telles qu’il les observe, non seulement de l’évolution des moeurs féminines, mais de l’ensemble de ce qui est en train de se passer dans les coulisses de la société française. Tout ça a des noms très concrets, techniques, cliniques le mouvement féministe, sa propagande, son idéologie, son impact, la réactivité qu’il engendre, les opérations gynéco-logiques , avec tout ce qu’elles comportent dans la scientification du réglage de la production, autrement dit avortements, contraceptions et expérimentations de l’insémination artificielle... C’est-à-dire le corps humain comme possibilité d’artefact, ce qui est tout à fait nouveau. La prise sur l’origine des corps est quelque chose qui vient de faire son entrée, majestueuse, frontale, dans la vie de l’espèce à laquelle nous appartenons. Le roman ne me paraît pas encore avoir enregistré ce phénomène ; Femmes, il me semble, est le premier à le faire, à en enregistrer non seulement les effets, les boursouflures, les agitations, les passions sous-jacentes, mais à en décrire les causes. On s’étonnera, dans quelques années, de la façon dont l’espace social imaginaire était clivé ; d’un côté une pseudo-libération sexuelle, de représentation pornographique organiciste, avec la promotion qu’elle suppose de l’homosexualité masculine ; de l’autre, un déferlement volontariste du corps féminin idéologisé et pris à la chaîne reproductrice. On s’étonnera d’un relatif blanc qui signalera un manque à la symbolisation de ce qui se passait comme dramaturgie réelle, comme angoisse, comme horreur, ou encore, c’est la même chose, comme comique. Femmes, de ce point de vue, est un livre évidemment comique. La prise au sérieux, romantique, du corps, des organes, provoque en moi inévitablement un effet comique. dialogue entre la tradition du roman critique et la bible Le livre s’intitule Femmes, mais il y est aussi beaucoup question des hommes..., lesquels ne sont manifestement pas des héros plus positifs... Ph. Sollers. Photo Julia Kristeva. J’avais le choix entre commencer par la narration ou présenter la thèse frontale. J’ai préféré — c’est tauromachique — attaquer frontalement. La thèse fondamentale du livre est présentée dès le début Le monde appartient aux femmes, c’est-à-dire à la mort, là-dessus tout le monde ment. » La démonstration narrative suit. C’est la tradition, d’une certaine façon, du roman philosophique du XVIIIème. Je reprends la tradition des Lumières. Donc la thèse est là s’il y a des hommes, c’est qu’ils sortent des femmes, c’est la poule et l’oeuf si vous voulez, l’évacuation des corps, l’évacuation pour faire vie, et dans la mort ; mais la mort est prise, dans ce livre, dans sa dimension horriblement comique. Je dirai autrement pour résumer il y a peu de chances pour qu’un homme ait une conversation vraie avec une femme sur la mort. On ne peut espérer sur ce sujet que du malentendu. Autrement dit, être ou ne pas être, cela n’a jamais été une question, contrairement à ce qu’affirme la rumination d’Hamlet. Cela en fait au moins deux , parce que le thème d’être ou de ne pas être n’aura pas le même sens pour un homme ou pour une femme. Or, ce livre tient le plus grand compte de la différence sexuelle, et parce que ça en tient le plus grand compte, le résultat, qui pourrait paraître paradoxal et qui est parfaitement logistique, eh bien c’est que l’homme ça ne court pas les rues. Et ça ne court pas les rues précisément parce que les femmes ça ne court pas les rues non plus. Il ne faut donc pas s’étonner si, dans cette situation de confusion sexuelle, une mythologie très antique qui est celle de l’androgyne est en train de nous redébouler sur le poil. Ce qui nous amène aux considérations métaphysiques du bouquin. A travers son enquête sexuelle le narrateur libertin du XVIIIème siècle, modèle XXème, qui est américain, et se promène avec une Bible, est le lieu d’un dialogue nouveau entre la tradition du roman critique, philosophique, et la Bible. On est aux antipodes du roman du XIXème siècle, et du XXème. Ce qui va frapper sans doute le lecteur, ou la lectrice, et provoquera des résistances, c’est l’aspect banal, mécanique, répétitif, allant de soi, des actes sexuels, des actes hétérosexuels, lesquels ne débouchent ni sur une psychologisation particulière, ni sur un état amoureux. Ça cumule et ça se répète. Ce sont des actes qui s’effectuent mais qui sont sans importance. Là est la transgression fondamentale l’acte sexuel est considéré comme non rentable, non comptabilisé donc non comptabilisable. On le fait pour rien. Que voulez-vous dire par sexualité non rentabilisable ? Comment pourrait-elle être rentabilisable ? Eh bien, par des enfants, par exemple. C’est une conséquence presque toujours imaginée, même inconsciemment, par des femmes lorsqu’elles se livrent à l’acte sexuel. Vous dites que l’homme incapable d’être intégralement sexuel meurt ». Que voulez-vous dire ? Il y a deux possibilités absolument paradoxales soit l’abstention radicale quant au sexe, qui donne la sainteté, abstention en connaissance de cause, soit la pratique de la sexualité sans aucune idéologisation, sans aucune valeur attachée à cette effectuation. Je décris deux limites qu’on ne rencontre en général pas. L’une est mystique, l’autre est en rapport avec toutes les expériences esthétiques. Je pense qu’on nous raconte beaucoup de bobards sur la sexualité de l’artiste. Il est fondamentalement, y compris Mozart, dans une non-valeur attachée à l’acte sexuel. Entre les deux, vous avez tout ce qui se fabrique comme conceptions du monde. La jouissance sexuelle, dont vous parlez souvent dans le livre, n’est-elle pas une valeur ? Justement pas. La jouissance intégralement sexuelle ne s’auto-valorise pas. Il s’agit au contraire de quelque chose d’extrêmement négatif. C’est une expérience physique telle qu’elle ne laisse place à aucun résidu psychique. Tous ces résidus, rêves et autres ruminations psychologiques, viennent directement d’un manque-à-jouir sexuel. grossesse symbolique Est-ce pour quoi vous utilisez beaucoup de métaphores sportives ? Le corps, dans le sport, a toute son importance... Le sport, malheureusement, est vécu comme valeur. Quand je fais des références au sport, elles sont toujours ironiques. Je propose par exemple de devenir le Pindare d’un grand centre d’insémination artificielle où seront choisis en priorité les sportifs. Ce seront les étalons, les donneurs spermatiques de la république néo-platonicienne qu’on nous promet. En revanche, la référence qui n’est pas ironisée et qu’on peut aussi considérer comme un sport, c’est la musique. Vous dites qu’il faut pratiquer l’écriture comme une partie de tennis... Ironie. C’est une façon de critiquer les alanguissements d’écrivains, les positions subjectives psychologisantes sur la difficulté d’écrire, sur le fait qu’un écrivain manquerait toujours l’essentiel comme le répète le philosophisme ambiant, etc, c’est-à-dire toutes les attitudes romantiques. Pourquoi neuf parties dans ce livre ? Comme son titre l’indique... C’est le neuf de la grossesse mais aussi celui de la Vita Nova. La grossesse des femmes a-t-elle quelque chose à voir avec la grossesse symbolique ? C’est Freud lui-même qui dit que la cure analytique est comparable à une grossesse, en mettant le doigt par là-même sur le fait qu’il y aurait un phénomène à double entrée dont vous auriez la palpabilité dans les processus physiques de la grossesse féminine, et l’impalpabilité dans la production symbolique. Vacances à l’île de Ré. art press 66. libertin et catholique N’y-a-t-il pas quelque chose de choquant et de subversif dans le fait que votre narrateur est à la fois un libertin et un catholique ? Subversion des codes du roman j’emploie le style libertin du XVIIIème siècle ; contradiction le narrateur est catholique et par conséquent, je n’ai pas à me taper l’idéologisation anti-catholique du roman du XVIIIème. Je peux ainsi traiter du même mouvement une lecture de Sade et une apologie de la papauté. C’est la subversion de deux codes l’un par l’autre. Ils se détruisent mutuellement et il n’en ressort aucune proposition idéologique. Il y a beaucoup de parties dialoguées dans votre roman. Les seules vraies scènes » sont des scènes sexuelles... En effet. Tout le reste est pris dans des dialogues philosophiques ou ironiques, parfois dans des méditations effervescentes sur différents symptômes d’actualité qui sont aussitôt, autre contradiction, comparés à des choses très anciennes. Il y a aussi la scène de l’attentat avec des morts, qui vaut pour l’ensemble des scènes sexuelles, qui leur fait contrepoids dans la mesure où l’acte sexuel est aussi un acte de mort. Ce sont d’ailleurs les seules scènes qui méritent d’être décrites, et brièvement. Ça me parait juste puisque la scène primitive est la seule qui a le droit fondamental de s’appeler scène. Le narrateur est quelqu’un qui a une personnalité multiple... Il est journaliste. Cela veut dire qu’il est immergé dans une réflexion permanente sur l’information. D’autre part, ses amies femmes sont toujours, elles aussi, aux frontières de l’information, de la politique, de la publicité, de la télévision. Cela permet, sur ce problème fondamental de l’époque qu’est la manipulation de l’information, de faire état de considérations très critiques. Je pense qu’aujourd’hui, par exemple, l’être le plus profond dans la pensée est probablement un bon ou une bonne spécialiste de la publicité. Femmes est aussi un livre à clés... Je suis la tradition dix-huitiémiste. Vous savez que les écrivains, du temps où on s’amusait, n’hésitaient pas à mettre leurs contemporains en scène. Proust a fait ça aussi. Tous les écrivains le font. Au contraire à partir du moment où tout deviendrait anonyme, indistinct, archétypal, il y a fort à craindre qu’on soit dans un spiritualisme qui n’est pas de mon goût. une mère, ce n’est pas grand-chose Il y a de méchantes » femmes dans votre livre mais il y a aussi plusieurs femmes bien »... Je crois que c’est assez équitablement réparti. Héroïnes négatives ou positives. Vous dites que la plupart des femmes méprisent l’homme en soi »... Non, c’est plus subtil. Elles ont, je crois, la plus grande difficulté à imaginer ce que pourrait être un homme, parce qu’elles ont la plus grande difficulté à admettre la liberté des femmes. C’est un rapport avec leur mère alors... N’en restons pas à la psychanalyse. La psychanalyse, comme la philosophie, comme tout ce qui fait partie lourdement de notre matériel conceptuel actuel, sont ironisées dans ce livre. A la Molière », si vous voulez. Mais vous avez raison, ce qu’on a décrit comme tragique, c’est l’impossibilité de prendre la mère à la légère. Les héroïnes négatives du livre sont des personnages persuadés de la toute-puissance maternelle. Les plutôt positives sont celles qui ont eu furtivement accès au fait que leur mère, ce n’était pas grand-chose. En somme, vous mettez en question le fameux désir d’inceste... Il faudrait se demander qui a intérêt à — c’est ça un romancier, quelqu’un qui se demande qui a intérêt à — donc, qui a intérêt à dire qu’un fils désire sa mère. Ce que nous prenons pour le bien s’effondrerait si un fils pouvait voir réellement de quoi il est question dans sa mère. Ce n’est sûrement pas impossible qu’un fils y voit clair dans sa mère, mais que ce soit interdit c’est peut-être ça l’interdit de l’inceste. L’interdiction faite à un homme d’évaluer sa mère. Il ne s’agit pas du tout évidemment de faire l’amour avec elle, ce qui est, j’allais dire, la moindre des choses dans l’époque où nous entrons. Avoir fait porter l’interdit sur l’acte sexuel est parfaitement faux. J’ajouterai que ce sont les femmes qui m’intéressent, pas les mères. Mais y-en-a-t-il des femmes ? Oui... j’en ai rencontrées... merci. Ça existe, de temps en temps, avec des interruptions. Une femme n’est pas tout le temps une femme, il lui arrive de l’être. Je suis contre la définition biologique qu’on essaye de plus en plus d’imposer aux femmes. Vous-même, là, vous n’êtes pas 24 heures sur 24, une femme. Il est même probable que 23 heures sur 24, et je suis optimiste, vous êtes comme moi un corps sous dénégation obligé d’aller et de venir pour sa pure et simple survie. Je dirai que lorsque une femme est vraiment une femme, c’est de cela qu’est fait un événement . Voilà pourquoi, comme je le suggérais tout à l’heure, les tournants de la représentation humaine dans la peinture, ou la littérature, essaient de faire consister cet événement. Si les femmes étaient des femmes 24 heures sur 24, il n’y aurait plus d’événements. Et plus d’événements, cela voudrait dire que nous serions dans la société totalitaire parfaite. Est-ce que vous reprenez-là quelque chose qui ressemble à ce que Lacan disait La Femme n’existe pas »... Non, je crois que c’est une formulation trop marquée. Je préfère dire une femme existe de temps en temps, comme femme. Les formulations de Lacan visent un enseignement, moi je vise une description des événements, je n’enseigne rien. J’ajouterai qu’un homme, par conséquent, c’est aussi un événement très rare. Les hommes, en effet, dans votre livre ne sont pas plus gratifiés. Absolument. Ils sont soumis à ce qui les définit la plastronnade, le semblant, la vanité, la petite mégalomanie acharnée, l’angoisse de la reconnaissance médiatique... Leur conception de l’autre , de l’autre en eux, est oblitérée. Par rapport à cette mécanisation médiatique dramatiquement nerveuse des hommes, les femmes assurent dans le livre un rôle beaucoup plus réaliste ; elles sont plus lucides que les hommes, ce qui peut les conduire soit dans un sens mortel, soit vers une gratuité jamais vue. C’est pourquoi la fin est un hommage répété à ce qui parcourt tout le roman, c’est à dire la musique et les musiciennes. Si j’ai introduit cette figure finale de claveciniste, c’est qu’elle suppose un travail de déchiffrage. C’est un rapport au texte en mouvement. Vous employez, comme déjà dans des textes précédents, beaucoup de sigles... Je pense qu’il faut décrire la lutte acharnée et désormais en expansion — c’est un fait du XXè siècle — entre d’une part les sigles, les regroupements dans le cadre d’une société anonyme , et d’autre part les noms. J’avertis tout lecteur, toute lectrice, de tenir farouchement à son nom. Or, qui sont les gens attachés au Nom ? Les Juifs, bien entendu, puisque leur Dieu s’appelle comme ça le Nom. Je pressens une lutte à mort entre la siglaison et le nom et je dis qu’il faut choisir dès aujourd’hui son appartenance à l’une ou à l’autre. la confusion sexuelle érigée en loi Picasso, Femme assise avec chapeau, 1938. Vous parlez de le » femme et de la » homme. N’en-a-t-il pas toujours été ainsi ? en quoi est-ce nouveau ? C’est de tous temps, sans doute, mais c’est la première fois que vous en avez l’idéologie explicite du côté du pouvoir. Ce qui est nouveau c’est que cette conception du monde aujourd’hui se fait loi. Il fallait d’abord, pour cela, que certaines conditions soient réunies. D’abord que la propagande de la sexualité comme épanouissante » et définissant l’être humain dans ses profondeurs soit généralement acceptée. Cela suppose que toutes les conceptions métaphysiques sont détruites, que toute conception de la sexualité comme Mal, comme péché soit niée. A partir de là, vous arrivez à un réglage de la confusion sexuelle érigée en loi, et non plus considérée comme anormale. Aujourd’hui toutes les valeurs du passé sont devenues clandestines. J’en fais le catalogue être catholique, par exemple ; ou encore être hétérosexuel. C’est un renversement extraordinairement comique. Pourtant tout le monde vit en famille, en couple généralement hétérosexuel... Supprimez le mot sexuel de votre constat et vous avez une photo de la société. En fait, l’accent est à la fois porté sur la sexualité considérée comme une valeur soit dramatique, soit organique et du même geste il y a suppression de la sexualité par sa prise en mains par des familles asexuées. Ce qui est interdit c’est la sexualité sans aucune valeur et la sublimation métaphysique à l’intérieur des familles. Le roman se termine sur un départ. Le narrateur retourne aux Etats-Unis... Oui, il s’aperçoit, comme il voyage beaucoup — aux USA, en Italie, en Espagne, en Israël — que l’horizon en France est de plus en plus plus fermé. Peut-on prendre ça pour une métaphore dans la mesure où le livre débute sur l’idée que la vie est une sorte de mort ? Non, c’est une sortie pour aller ailleurs, dans un jeu qui paraît plus excitant. La société française apparaît comme la Yougoslavie. Le régime de l’érotisme y est devenu si faible que le narrateur ne peut plus le supporter. Il faut voir dans le roman la mise en scène des nationalités il y a une Chinoise, une anarchiste espagnole, deux françaises, la femme du narrateur, et deux personnages très positifs une Anglaise qui vit aux Etats-Unis, qui meurt dans un attentat, et la claveciniste qui est française mais qui voyage beaucoup. Il se trouve que la femme qui meurt dans l’attentat était enceinte. Est-ce que ça ne l’entache pas, après-coup, d’un aspect négatif ? Pas du tout. Le narrateur blessé dans l’attentat et en proie à plusieurs délires, évoque quelques temps après sa mort, dans un demi-sommeil à Venise, le ventre de cette femme dans lequel il rentre son bras pour y toucher cette virtualité d’enfant. Non, Cyd reste un personnage positif ; elle est simplement mise en face de la question de la reproduction comme l’est toute femme à un moment ou à un autre de sa vie, et comme tout homme est, à un moment ou à un autre, placé devant la demande d’une femme d’avoir un enfant. Il n’y a pas lieu d’en faire un drame. Le narrateur est lui-même père d’un fils. Ce qui en revanche est décrit comme négatif c’est l’extrême folie des comportements actuels valorisation de la sexualité, manque de distance vis à vis de la production des corps, ou à l’inverse vis à vis de l’avortement. Toutes les valeurs chrétiennes devenues folles, comme aurait dit Nietzsche, proviennent d’une non-relativisation de la sexualité. Ce qui est nouveau c’est donc la contradiction entre le très vieux désir de reproduction des femmes et l’attitude qu’elles affichent. Bien entendu. N’importe quel psychanalyste vous dira que ce que les femmes et les hommes viennent balbutier sur le divan est l’exact contraire de toutes leurs façades idéologiques. Le genre roman vous paraît-il plus adapté qu’un autre type d’écrit pour dévoiler cette imposture ? Je crois. J’écris par urgence. J’ai éprouvé un ras-le-bol intense devant toutes les impostures, y compris l’imposture de ceux qui croient avoir dépassé le roman. Il me semble que quelqu’un comme Picasso avait de la même façon ressenti l’imposture que devenait l’art non figuratif et c’est pourquoi il a continué les deux gestes. Je parle beaucoup de Picasso dans ce livre, d’une part parce qu’il est un éminent spécialiste des femmes, d’autre part parce que c’est une espèce d’aventurier qui est passé par pas mal de défilés secrètement violents, où j’ai l’impression de repasser. Vous faites aussi souvent des références à Melville. J’évoque plutôt les écrivains qui ont une conception shakespeariano-biblique de l’aventure. C’est ce que veut dire la phrase de Faulkner mise en exergue Né mâle et célibataire dès son plus jeune âge. Possède sa propre machine à écrire et sait s’en servir ». *** Le Magazine littéraire Femmes », comme tous les livres de Philippe Sollers, a le parfum de la provocation. Qu’on se souvienne du fleuve Paradis, sans un point ni une virgule. Mais, quand Sollers lisait Paradis devant un auditoire, il y mettait naturellement la ponctuation, le ton, l’ironie. Femmes regorge de points de suspension, de tirets, de dialogues. Mais qu’on n’aille pas croire pour autant que Sollers s’est mis à écrire comme Balzac, ou comme Céline. Il écrit comme Sollers. Comme deux Sollers même, puisqu’il se dédouble en un journaliste américain il n’y a pas si longtemps que Sollers, dans Tel Quel, nous racontait sa découverte de l’Amérique !, et en S., farfelu auteur d’avant-garde dont ce n’est pas le moindre des plaisirs que de se voir critiqué, moqué, détesté. Le jeu consiste, dans les personnages de Femmes, à reconnaître des personnes, ou des personnalités, parisiennes. Il y en a pour qui le déguisement est clair Fals/Lacan, Lutz/Althusser, Werth/Barthes. Il y a même sur la mort de Roland Barthes, pardon, de Werth, quelques pages admirables d’émotion et d’amitié. Mais, après tout, les grands intellectuels ne font-ils pas partie de notre paysage mental, de nos bibliothèques, de nos vies ? A ce titre, leur présence dans un roman Femmes est sous-titré " roman " peut être légitime. Qui hésitait à reconnaître Sartre et Camus dans Les Mandarins, en 1954 ? Mais la grande affaire, dans Femmes, ce sont précisément les femmes, et ce que Sollers en dit. On peut en effet voir dans ce livre une machine de guerre contre les femmes, le matriarcat, la gynécocratie. Si l’on considère que Sollers parle dans son livre des femmes, de toutes les femmes, de La Femme, alors c’est vrai. Mais s’il ne parle que de certaines femmes, d’aujourd’hui, alors sa violence, son ironie méchante comme sa tendresse sont le droit légitime du romancier. De même qu’il a le droit de penser, alors que la liberté sexuelle est une banalité, que l’érotisme doit se retremper dans ce qu’il estime être la plus grave des transgressions de notre époque, la religiosité. Jansénisme ? Goût rétro ? Provocation pure ? Pour ceux que la religiosité laisse totalement indifférents, la provocation fait floc. Mais, à en juger par les tollés que soulève ce roman, on se dit qu’elle devait demeurer plus répandue qu’on ne pouvait croire. Quoiqu’il en soit, Femmes ne laisse pas indifférent. Livre prophétique ou réactionnaire, l’avenir nous le dira. Individualiste forcené, anarchiste certainement. Jean-Jacques Brochier, Le Magazine littéraire, mars 1983. * L’entretien Q Femmes, pour prendre les choses au niveau le plus simple, passe pour un machine de guerre contre le féminisme. Or cela ne me semble pas vrai. Philippe Sollers Il faut s’entendre sur le sens de féminisme. Si féminisme désigne ce mouvement de fond qui s’est passé depuis vingt ans dans le monde occidental et particulièrement aux Etats-Unis, cette redistribution des rapports entre les sexes, non. Si en revanche on entend par féminisme les groupes institués, la fondation de partis sur le modèle marxiste, la captation de ce mouvement de fond dans une optique politique, alors oui. Avec ce livre, j’ai voulu en somme faire le point sur l’extraordinaire possibilité de liberté technique et physique, que nous donne l’époque actuelle, et le détournement qu’opère de cette liberté le vieux schéma politique et idéologique. D’où la présence, dans Femmes, de personnages négatifs et de personnages positifs. C’est un livre pour les femmes, contre ceux qui tentent de les embrigader, de les mettre en carte. Q Femmes, un livre du XVIIIe siècle, avec l’avion en plus ? Ph. S L’avion et quelques petites choses. Le XVIIIe est moderne, alors que la passion politique, le socialisme, sont du XIXe, comme cette horrible coupure qu’a instaurée le puritanisme, et qui pèse encore sur nous. De ce point de vue, je pense que Femmes est un livre progressiste. On peut dater de 1791 l’époque où le monde occidental a basculé dans cette tristesse, et c’est pourquoi, au coeur du roman, il y a une assez longue discussion sur la Révolution française, sur la Terreur engendrant le terrorisme, sur tout ce qui pèse sur notre mémoire, particulièrement en France. Car si nous avions inventé la plus grande possibilité de liberté, nous avons aussi inventé la pire des contre-libertés. Aujourd’hui encore, regardez les passions qui se lèvent dès qu’on touche aux mythes de la Révolution française. Rien qu’à propos du film Danton » [4], on a l’impression que le sacré de la nation est en jeu. La figure de Sade intervient ici à plein. Mais si, par des travaux patients, remarquables comme ceux de Gilbert Lely, nous ne savions pas ce qui s’était réellement passé dans ces moments là, que par exemple Sade avait été condamné à mort par le tribunal révolutionnaire, pour modérantisme, nous ne saurions pas déceler dans l’histoire sensuelle, sexuelle de ce pays ce qui s’est joué dans ces années-là. Q Sade était contre la peine de mort. Ph. S Par définition. Il n’admettait que les passions personnelles, subjectives, jamais celles de ce monstre froid qu’on appellera plus tard l’Etat. Il ne peut évidemment pas accepter la terreur abstraite, qui relève de la vertu et non de la passion. Robespierre, les oeuvres de Rousseau à la main, c’est tout ce que Sade pouvait haïr le la fin du XXe siècle se pose toujours le même problème la Nouvelle Héloïse ou Juliette ? La vertu au nom d’une héroïne abstraite, qui prétend incarner un modèle de la femme, ou bien les femmes concrètes, avec lesquelles on peut assouvir ses passions et qui assouvissent les leurs ? Aujourd’hui les femmes ont la possibilité non seulement de gérer leur propre corps, leur propre jouissance, mais aussi, ce qui ne s’était jamais produit auparavant, de choisir le moment de reproduction, ce qui entraîne un bouleversement complet des rapports humains. Or les romanciers ne nous parlent jamais de ça, ils se cantonnent dans l’exotisme, le provincialisme le plus rétrograde. Ils ne font pas leur travail. Depuis Le deuxième sexe » de Simone de Beauvoir, livre important, juste dans sa manière d’annoncer la révolution que nous vivons en critiquant les images antérieures de la femme, rien n’avait été dit. Il faut aujourd’hui dépasser Simone de Beauvoir. Q A propos de Simone de Beauvoir, justement il y a dans Femmes des personnages "à clé", tout le monde y reconnaît Lacan, Althusser, Barthes et quelques autres. N’avez-vous pas l’impression d’avoir réécrit Les Mandarins des années soixante dix ? Ph. S C’était un livre important, et que j’avais beaucoup aimé. Et il me semble qu’à l’époque il avait agi dans le sens d’une certaine liberté. Il me semble que notre époque est au respect, la dévotion abstraite. Pourtant, un intellectuel, ce n’est pas autre chose que les passions qui l’animent. Si on reconnaît dans Femmes des personnages, c’est sous l’angle des passions, des intérêts forcenés qui les ont agités, dans la lutte pour les idées, dans la théorie par exemple. Ce qu’il faut décrire, c’est comment, à travers la théorie, la volonté de pouvoir relève de la passion. Tout cela est inscrit dans des corps et c’est ce que Femmes veut avons tout vécu, dans les vingt dernières années, un vertige de l’identité, ce besoin d’affiliation, d’identité déléguée. Je crois que tout cela est fini. Il n’y a pas de communauté, de communauté sexuelle notamment, il ne peut pas y en avoir. Il n’y a que des individus. Il pourrait y avoir communauté peut-être pour lutter contre la loi sociale si elle était répressive, mais comme aujourd’hui elle nous laisse en paix, de grâce un peu de liberté dans la description des comportements individuels ! Q L’un des aspects par lesquels Femmes suscite peut-être le plus de scandale, c’est ce parallèle que vous faites entre la transgression qu’effectue Sade par le sexe contre Dieu, et la transgression inverse, par Dieu contre le sexe, qu’on peut faire aujourd’hui. D’où ces passages sur le pape, sur la Vierge Marie, toutes choses fort anachroniques et qui ne sont belles qu’en peinture. Ph. S Les transgressions changent. Il ne faudrait pas croire niaisement que la transgression est établie une fois pour toutes. En France, à cause de l’extrême virulence de ce que Joseph de Maistre appelait le philosophisme, nous avons l’impression que la dimension religieuse a été une fois pour toutes mise à plat, donc dépassée. L’érotisme consiste à faire fonctionner une contradiction. S’il n’y a pas transgression d’un interdit, il n’y a plus d’érotisme. Sade en tant qu’écrivain n’agit pas autrement. Mais avec une infinie lucidité dès qu’il voit qu’au christianisme pourrait se substituer une autre religion, de l’Etre Suprême, de la Déesse Raison, sa polémique est immédiate, ses quolibets fusent. Aujourd’hui, après deux siècles de positivisme, de platitude rationaliste, nous devons nous demander à nouveau ce que c’est que l’érotisme. Je ne fais finalement que reprendre une possibilité déjà énoncée par Bataille la mystique, l’état religieux restant une donnée fondamentale, l’érotisme peut s’y retremper. Les révolutions issues de la Révolution française ont fait tomber sur le monde la chape de la vertu, de la pulsion de mort, alors qu’elles auraient pu répandre partout la plus grande liberté. Il faut réfléchir là -dessus. Et le catholicisme, tel qu’il vit encore, reste, paradoxalement, en Occident, la fonction érotique majeure. C’est ainsi que Nietzsche, après sa négation radicale de Dieu, se demande s’il ne devrait pas revenir à l’affirmation, pour recommencer le cercle.. Et Nietzsche précise bien, lui fils d’un pasteur protestant, qu’il parle du Dieu si l’on fait des descriptions sexuelles, pornographiques, tous sont d’accord. Mais parler de l’Eglise ou de la Vierge Marie, alors les visages se convulsent, les hurlements montent, la répression sexuelle se met en branle. C’est que j’arrive là à une situation subversive. * * Inventaire les femmes dans Femmes Précisons mon but j’écris une apologie des femmes, bien sûr... Des unes-femmes... Des fois que ça se produit... Sorties de la chaîne... Pas des femmes en soi » des évènements-femmes... » Femmes » Gallimard, 1983, [...] la recherche des clés de ce roman s’est portée exclusivement sur les personnages masculins. Le titre est Femmes, au pluriel et je vous assure qu’il y est question de beaucoup d’Eves ou de filles d’Eves, notamment une Chinoise et une joueuse de clavecin. » La Divine Comédie Desclée de Brouwer, 2000, Folio, p. 155 Au passage je signale qu’un de mes livres, qui s’appelle Femmes, paru en 1983, a surtout défrayé la chronique parce qu’on y repérait des personnages masculins... Il n’a jamais été dit qu’il y avait beaucoup de personnages féminins... Comme c’est étrange. Dans ce livre, il y a même une relation très étroite avec une Chinoise, Ysia, qui est un agent des services secrets de la Chine populaire. Tout cela est passé silence, comme c’est étrange. Pourtant ce livre s’est beaucoup vendu. On en a beaucoup parlé. Il s’appelle Femmes et on ne parle pas des femmes qu’il y a dedans, et surtout pas de la Chinoise... Dans quel monde vivons-nous ? » Déroulement du Dao » 3 juin 2003, L’Infini n°90, printemps 2005. Depuis le temps, quelqu’un aurait pu se préoccuper de faire l’inventaire des personnages féminins évoqués dans mes romans sous telle ou telle forme. » L’évangile de Nietzsche » 2006, p 73, entretien avec Vincent Roy, décembre 2004 Dans Femmes » [5] les figures féminines sont multiples. Héroïnes positives Cyd, Ysia, Louise..., négatives Kate, Bernadette..., françaises, étrangères beaucoup d’étrangères, écrivaines, musiciennes, personnages romanesques, bibliques, mythologiques plus de cent ! Tentative d’inventaire, croquis [6]... Picasso, deux Études pour les demoiselles d’Avignon ». A gauche Étude pour les demoiselles d’Avignon » tête de la demoiselle droite Étude pour les demoiselles d’Avignon ».Photo A. Gauvin, 4 novembre 2014. ZOOM cliquer sur l’image. * Il y a donc par ordre d’entrée en scène KATE, française [7] Kate arrive, avec son chapeau fantaisie cow-boy. Elle se prend maintenant pour une amazone. La tête farcie d’épopée femme et re-femme. Nous les femmes »... On sent qu’elle y pense sans arrêt, excitée, déprimée, terrorisée. Maniaque. Elle souffre, mais elle doit le cacher sous une allure toujours en forme », gaie, décidée... Surtout que personne ne se rende compte que le tissu de sa vie n’est que vertige, peur. Sans fin donner le change, mentir... » KATE ET SA FILLE Elles sont devenues amies, avec Kate... Puis Bernadette [8] s’est emparée fermement du lot... Maelstrom féministe... C’est la période où Kate a écrit ses articles les plus poivrés... Les plus révélateurs, aussi, de la nouvelle et très ancienne religion en marche... Je me rappelle celui où elle racontait comment elle avait célébré, en famille, mais sans homme bien sûr, l’arrivée des règles de sa fille... Au champagne... Pour bien montrer à quel point on pouvait être fière d’être une femme... Comment on surmontait la vieille malédiction... Elle remarquait simplement comment son jeune fils était resté réservé pendant la fête... Pour conclure qu’il serait rééduqué, lui aussi, dans le monde radieux de demain... Un monde où toutes les mères et toutes les filles du monde se donneraient la main dans une ronde fleurie au-dessus du cadavre Moloch dragon patriarcal... Phallocrate... Judéo-chrétien... N’était-ce pas charmant, cette évocation des linges délicatement ensanglantés portés avec orgueil par les mères sur les places publiques ? Cette levée en masses du refoulement originaire ? Les filles désormais affranchies de la honte, dressant leurs jeunes corps à peine nubiles vers une vigoureuse procréation en commun ? Ah, nobles spartiates !... On sentait passer, dans tout ça, un courant néo-classique, des frontons, des frises, des couronnes, des initiations dans la nuit... Des rites inconnus... Désenfouis... Le retour, enfin, de la Grande Déesse... Demeter... Koré... Un frisson pur... Je ne sais pas qui a répété à Kate ma remarque négligente qu’elle n’aurait jamais pensé à fêter de la même manière la première éjaculation de son fils... Qu’il y avait là une forme d’injustice, n’est-ce pas ? Le premier jet de foutre, c’est tout de même un événement ? Elle ne m’a pas parlé pendant deux ans... Elle ne me le pardonnera jamais... Femmes sans enfants.... Mères sans maris... Enfants sans pères... Toutes à la recherche de maris et de pères, mais en criant le contraire... Elissa aussi finissait par me demander si je croyais que Fals aurait pu l’épouser... Vers trois heures du matin... Epouser »... Le mot venait comme une hostie sur les lèvres... Mais, dès le lendemain, c’était bien entendu les tracts, les proclamations... [9] Extrait publié dans art press n° 66, janvier 1983. CYD MAC COY Le rendez-vous, je l’ai en effet, mais pas celui que j’ai dit... Cyd m’ouvre la porte. Toujours nette, ponctuelle, discrète... Le jeu consiste à ne pas se parler, à faire directement l’amour... Elle est nue sous sa robe noire, on y va tout de suite... On ne parle qu’après... C’est tout différent... Une fois que la crise a eu lieu de façon physique... Le malentendu exorcisé... L’incommunicabilité mimée, déchargée... Elle a compris ça, elle accepte le rythme, je ne sais rien de sa vie ou presque... Voilà la liberté aujourd’hui... Séparer, installer des cloisons étanches, se taire, ne jamais avouer, ne surtout pas se plaindre, changer de décor... Multiplier les scènes, suivre les diagonales, passer... » Cyd a beaucoup d’humour, elle est en même temps violente... Elle est pour la comédie... Le cinéma qui fait jouir... L’artifice efficace... La magie, le style ironique geisha an 2000... Les bas noirs, les jarretelles, l’absence de culotte, les préliminaires chuchotés, les obscénités entrecoupées... Tout le rétro de l’affaire... Il faut que je fasse une théorie du chuchotement, un jour, une thèse, je l’enverrai à mes amies universitaires, je dirai lesquelles... Zones souples, légères, langage troué, gratuité... Le pourtour démodé, idiot, mais qui trouble, qui finit par troubler... N’est-ce pas, hypocrite lecteur, lucide lectrice... » Je regarde Cyd dans l’ombre. Elle est nue, maintenant, avec ses souliers... Belle comme ça, blonde, brunie par son dernier séjour dans le Midi... Elle s’agenouille, me suce... Longtemps... On entre dans la mécanique universelle, dans le roulement... Je sais ce qui l’intéresse, là, le moment mental, la domination abstraite par l’intérieur, le rite de possession muet, le yoga focal... Voir si je tiens le coup, et comment... Ça l’exalte... Je m’allonge sur le divan... Elle continue à sucer... Je la réentends toujours, la première fois où elle m’a dit Salaud, tu veux que je te suce ? »... En taxi, la nuit, dans Park Avenue... Un peu de genou pendant le dîner, je venais de l’embrasser comme ça, presque par politesse... Et maintenant, chez elle, à Paris... Elle y va depuis toujours carrément dans les mots... Une langue d’emprunt, sans importance... Les étrangères... Mots comme des chocs... Ondes libres... Projectiles transparents... Rapide crudité des tons... Je crois savoir ce qu’elle se raconte... Une histoire de vampire, le toboggan de la mort... Le mot sucer » en remontant la voix... Pourquoi fait-elle comme ça avec moi, je veux dire sans rien demander en échange ? Chaque fois, je m’attends qu’elle me dise son prix... Même indirect... Une intervention ici ou là, un service quelconque, une demande de resserrement d’intimité, la procédure habituelle... Mais non, rien... Tout reste lisse, enfiévré, emballé, comme si l’instant seul comptait... Peut-être quand même une ou deux fois... Pour la forme... Non... C’est gratuit... Ou alors, elle pousse l’investissement à long terme... Je la laisse jouer... Elle doit s’ennuyer autant que moi dans le temps... D’où le côté savant des rencontres... Elle va jouir de me forcer à jouir... Elle monte sur moi, spasmodique, tremblée... Parcourue du frisson... Elle m’enfile... Kundalinî, disent les trucs indiens, je sens sa corde, son serpent de nerfs, de la base lovée au sommet avec retour chromo-dynamique... La chromo-dynamique quantique, la physique d’aujourd’hui, de demain... Elasticité des soubassements, matière volatilisée, d’autant plus résistante... Avec des catastrophes immobiles !... Des couleurs »... Des anti-couleurs ! Tout un spectre à vivre... Cortex, moelle épinière, recherche des ondes à l’envers... Le monde antimonde dans lequel on est maintenant... Et Cyd, là, dansant sur le radeau en dérive... Elle redescend, précipite sa bouche, m’arrache... Voilà, je pars... Je la laisse passer... Elle me mange... L’amour... Elle me mange tout... Les électrons, les protons, les neutrons, les photons, les leptons, les muons, les hadrons... Et même les nouveaux venus qui assurent la cohésion des fibres les gluons... Elle secoue de part en part la substance... Crinière d’atomes... Comme si elle se nourrissait direct cogito... Elle me le murmure C’est ton cerveau qui m’excite. »... Son image recomposée invisible à travers mon cerveau... Elle s’inspire complètement, elle s’effondre... Couchée, dormant, maintenant... Pas de conversation, aujourd’hui ? Je me lève, je me rhabille en douceur... Elle a un petit mm mm mmmm gentil... Je trouve la porte dans le noir... Je suis dans l’escalier froid... » p. 18-21 FLORA, Petite, brune, rapide... Des yeux, surtout ; bleus, avec un éclat un peu laiteux, incomparables... La politique en personne... Cléopâtre de l’intrigue, reine de l’embrouillamini... Espagnole, anarchiste... Et, en même temps, introduite mystérieusement partout, parlements, journaux, philosophes... Nomenklatura... » ESTHER, Pour Esther, les gens », c’est l’Instance... On ne fait pas son salut individuellement... On agit par rapport aux autres...Ce n’est pas exactement le qu’en dira-t-on conformiste, non, c’est plus profond, inconsciemment religieux... Il y aurait une biographie globale, un récit ensemble »... » YSIA Je l’avais connue aux Langues Orientales... Elle travaillait dans les services culturels... Enfin... Belle... Exquise... Laquée, souple, mince... Trente ans, mariée, en manque... Le vice léger... Tout... Flûte de jade... Le rêve du pavillon rouge... Jaune... Turquoise... Les contes du bord de l’eau... L’éventail du phenix... La rosée du clair de lune... Une précision, un appétit... Corps presque enfantin, une de mes meilleures sensations du dedans, je veux dire muqueuse à muqueuse dans le four abstrait de la jouissance incurvée... Vous comprenez ? Non ? Tant pis... Il y a longtemps que je pense qu’une véritable cartographie des coïts serait souhaitable... Une carte du tendre en action... » Donc Ysia ... Le studio une ou deux fois par semaine. Dehors on ne se connaissait pas... Et même dedans... Comme si on ne se connaissait pas, oui, c’était ça la beauté, le vertige... Qu’est-ce qu’elle m’aura dit, finalement ? Quelques renseignements sur le chinois, l’écriture de mots suggestifs, des fragments de poèmes, des passages de Lao-Tseu... Le temps de fumer une cigarette ... La Voie vraiment Voie est autre qu’une Voie constante. » ... Celui qui parle ne sait pas ; celui qui sait ne parle pas. » ... Le plus grand carré n’a pas d’angle. » . J’ai encore le petit recueil de poèmes classiques dont elle m’a fait cadeau... Lingbao... Le Joyau sacré... Ses jambes croisées, son sourire... Elle me branlait longuement debout, et c’était chaque fois merveilleux à cause de ses longs doigts doux, cruels, insidieux... Elle me demandait de la lécher ensuite, elle se concentrait complètement là-dedans... Puis de l’enculer... Voilà... Et puis de la prendre, de la faire jouir, d’attendre qu’elle ait joui pour jouir, pour donner mon sperme dans sa petite bouche méchante, folle, sévère... Et puis sourire... Et puis quelques poèmes... Et puis bonsoir... Jamais de politique... Le Tao... Et, un jour, au bout de deux mois, plus rien... Téléphone à l’ambassade, imprudence... Mme Ysia Li est repartie pour Shanghai, monsieur... Non, elle ne doit pas revenir pour le moment... Non, monsieur, nous n’avons pas son adresse... C’est de la part de qui ? » Je raccroche ... Quatre ans plus tard, à Shanghai, j’ai cru la voir dix fois en me promenant seul, le matin, très tôt, sur les quais... Shanghai... La Dame de Shanghai... Jonques, chaleur, lumière du fleuve, étincelante... Est-ce qu’elle était là, quelque part, dans le grouillement ? Elle s’est fait coincer ? Dénoncer ? De toute façon Voilà comment j’ai été un moment plutôt marxiste... Léniniste... Marxiste-léniniste... Maoïste... Une question de peau... Vous savez tout... Jusqu’en Chine... Je suis obstiné... Quand j’ai une sensation qui me plaît vraiment, j’irais jusqu’au bout du monde... Dans la lune... Disparue, Ysia... » p. 31-32. Et aussi, à Paris... à Barcelone — Mais Cyd ? Ysia ?— Exceptions qui confirment la règle !... Vous stabilisez leur image narcissique... En passant... Pour l’instant...Une chance... Vous êtes chanceux, c’est un fait. Soyez sûr qu’elles en font payer d’autres... Deux fois plus... » EDITH, L’une de mes tantes, Edith,... » la "masturbation" [10] BERNADETTE et le FAM française Bernadette [11] ! Son nom venait là, en bas de page, comme une confirmation se passant pour moi de tout commentaire... Je connaissais aussi l’Américaine Dora... Redoutable...Une milliardaire activiste... Elle m’avait testé plusieurs fois à New York... Deux ou trois dîners... Ami ? Ennemi ? Ennemi. » J’ai donc été pris en chasse... C’est là qu’intervient Bernadette, avec sa nuée... C’est là qu’on a eu quelques accidents tout de même, et que Deb a commencé à m’ennuyer... Bernadette, Kate, Flora, cela fait un filet auquel on peut ajouter d’ailleurs bien d’autres mailles... De proche en proche... Soeurs du brouillard... Complices de la réhabilitation sans conditions d’Ève... Affiliées contre ; sur le pour, il n’est pas question qu’elles se mettent réellement d’accord... Toutes contre eux ; chacune pour chacune... Tout ça plein de justifications théoriques, para-politiques... Comme toujours, à la base, les plus pauvres ou les moins malines marchent, militent, collent des affiches, ont des opinions ou croient en avoir... Mais en haut, comme d’habitude, ce qu’on trouve, c’est le simple calcul... Administration, jetons, transactions...Bernadette est un des êtres humains les plus bizarres et les plus répugnants que j’ai rencontrés... Un des plus fascinants aussi, d’une certaine manière... II est difficile de ne pas être aimanté par la perversité parvenue à son point limite... A son abcès de fixation... Rayon de l’irrémédiable... Je la revois dans sa toujours même robe noire... Cachée là-dedans avec son regard perçant, son air de malade définitivement guérie... On dit que certains corps mentent comme ils respirent... Elle réussissait, elle, ce prodige, ce numéro de haute voltige physiologique de respirer comme on ment... Sa présence même était un mensonge... Massif... Visqueux... Congelé... Imprenable... Comme Boris en homme, nous verrons ça plus loin... Comme Fals aussi, d’une certaine façon... Quelque chose de cauteleux, de précautionneux, d’imperceptiblement grimaçant à longueur de temps... Une souffrance sarcastique, sans cesse en éveil... II y a une mystérieuse oblique des fous adaptés, comme il y a une ligne droite des imbéciles... Une saleté, par exemple, qui leur est propre... Une crasse morale ou spirituelle, pas physique... Une sorte de morve, de sécrétion pâle, de moisi de narine ou d’œil... Une torsion des cheveux... Mais quels sont ces serpents qui sifflent sur leurs têtes... Une aura de méduse sortie de l’anti-matière en transit... Dans le cas de Bernadette, on avait l’impression qu’un morceau de méchanceté catégorique, chimiquement pur, était tombé là, devant vous... Une météorite... Elle occupait son creux, le tenait comme un nid de mitrailleuses... Une concrétion inter-galactique... Bloc de haine ici-bas chu d’un désastre obscur... Devant elle et quelques-uns ou unes de ses semblables, dans le monde vampire dans lequel nous entrons désormais, je suis saisi d’une sorte d’admiration suspendue... Un personnage de Sade dit cela quelque part, devant un excès de monstruosité cet être est trop malfaisant pour que nous lui nuisions le moins du monde... Il fera le plus grand mal possible à l’humanité... Et comme nous n’aimons pas l’humanité... Tout de même pauvre humanité, elle ne sait pas sur quoi elle s’endort... On pourrait ajouter plus noblement qu’on peut avoir un certain respect pour des phénomènes qui évoquent, à leur insu, mais très visiblement inscrite au-dessus de leur tête, la loi de la vengeance divine... Sinon divine, disons logique... L’acide traité par lui- même... Révélant les fondations...J’ai remarqué que pour être spontanément élu à ces hautes fonctions négatives une marque de difformité est presque exigible... Bernadette boite fortement... Boris a un oeil de verre... Poinçon nerveux, musculaire... Magique... Ça trouble toujours. Manque, cicatrice, trace de l’envers du décor. Vapeurs du mythe... Fals qui est leur maître à tous et à toutes, ou du moins qui l’a été pendant longtemps, est un bègue surmonté... Un bègue en route pour l’aphasie paraplégique... Rites, chamanismes divers... J’ai voyagé par là, je vous raconte un peu...C’est Bernadette qui a fondé le FAM... Dans la clandestinité, d’abord. Celle des salons choisis, des boudoirs d’influence... Toujours le même topo les très beaux quartiers ; les zones ; un pointillé habile entre les deux... L’appartement au bord de la Seine, les réunions de cellule en banlieue... Contrairement à d’autres, Bernadette ne changeait pas de tenue... Stricte et noire, blanche, tendue... Elle avait très peu de moyens... Et puis, soudain, l’afflux d’argent... Américain, bien sûr... C’est comme ça qu’il y eut brusquement un local luxueux du FAM, une publication régulière, des voyages organisés, des offres d’emploi... L’affaire avait été jugée jouable... Bernadette avait réussi son examen... On n’entre pas comme ça dans le démoniaque international...Moi, je l’ai connue à l’époque héroïque, fiévreuse... On se voyait d’ailleurs plutôt en secret à cause de sa réputation déjà solide... Elle devait faire semblant d’être un peu lesbienne sur les bords... Lesboïde... Sans quoi, pas d’avenir... J’en sais quelque chose, moi qui ai toutes les peines du monde à me donner l’air sodomien... Ça me retarde ; ça nuit à mes affaires ; ma célébrité s’en ressent... Quel talent ne me reconnaîtrait-on pas si je pouvais faire mieux... Plus ambigu... Alambiqué... Platonicien... Fin... Hélas, grossier je suis ; mauvais goût je reste... Pas éducateur pour un sou... Seul...Bernadette était lesbienne » si on voulait. Elle était ce qu’on voulait... C’est-à-dire, rien. Tout ça ne l’intéressait pas. Je crois n’avoir jamais rencontré un blocage aussi fondamental, aussi net. Un libidogramme plat. Tout dans le flash intellectuel. Transfert total dans la volonté de puissance. Frigidité serait trop dire. Frigiforme aussi. Rien. Même pas le plus petit commencement de soubresaut involontaire. Rien. La bouche ouverte, se laissant dévorer la bouche... Attendant la pénétration comme une sorte de formalité médicale... Corridor... Cheminée... Tunnel... Passive, entièrement. Au bout de trois ou quatre fois, j’ai pensé que l’expérience était concluante. Je me suis comporté aussi poliment que possible de façon à arrêter... Mais non, il aurait fallu continuer... Elle ne se rendait pas compte... Pour elle, les choses étaient comme ça une femme supportait une sorte de viol pétrifié et, ensuite, pouvait s’en plaindre amèrement, longuement... Si je la baisais, je lui devais » forcément quelque chose. Il fallait que je la baise pour lui devoir quelque chose... C’est là, je crois, où, dans une lumière glaçante de fin du monde, le contrat radical m’est enfin apparu. Le truc des trucs, le lien, le cordage... Les autres trouvent au moins en elles-mêmes de quoi faire semblant inconsciemment. Elles appliquent d’instinct la danse du leurre animal. Elles jouent sur la crédulité masculine qui est, n’en doutons pas, indéfinie sur ce point précis. C’est-à-dire, par voie de conséquence, sur tous les autres. Question de degrés, d’échelle... Mais Bernadette, elle, c’était son côté pathétique, sublime, ne pouvait pas obtenir la moindre comédie de son orgueil. Allongée, noire, étincelante, accusatrice, elle était là comme au banc des témoins d’une histoire sans mémoire, sans fin... Pour bien confirmer l’ignoble sort fait aux femmes. Mettre en pleine lumière la torture qui était la leur. Je voyais donc passer sur son visage des mères, des grands-mères, peuple emmitouflé de la nuit féminine... Elle était là en avant d’elles, responsable d’elles, vivant à son tour la brutale passion du bourreau sacrificateur... Enfin, j’aurais dû rentrer dans ce rôle... Etre le nazi parfait. Et, de plus, à partir de là, solvable... Visiblement, elle ne se demandait pas une seconde si l’acte en question me plaisait ou non dans ces conditions. J’étais censé aimer ça en soi, comme un homme. Elles y croient, à l’homme. Elles sont prêtes au martyre pour qu’il soit bien prouvé qu’il existe, qu’il fonctionne, qu’il ne pense qu’à ça, qu’il est déterminé, infléchi, courbé sous la loi de ça... Les moments de vacillation de l’espace en soi, avec les femmes, c’est quand, après avoir montré qu’on peut se livrer à la séance mécanique, on laisse voir tout à coup qu’on pourrait aussi bien, et sans rien regretter, ne rien faire... Là, elles ne comprennent plus... C’est le non-sens... La seule fois où j’ai vu Bernadette hors d’elle, se lever d’un bond et sortir comme un éclair outragé de la pièce, c’est quand je lui ai dit doucement dans un grand silence Mais enfin, tu sais, les femmes, je peux très bien m’en passer. »... C’était l’injure absolue. Le blasphème. Meurtre dans la cathédrale. Profanation de l’hostie. Elle s’est enfuie, ce jour-là, boitillante, blessée, honteuse...Tout ça me déplaisait horriblement, mais en même temps je dois dire qu’il y avait une excitation mentale... Bernadette était très amoureuse d’un homosexuel tout à fait officiel et virevoltant, en renom... Elle m’en parlait constamment. C’était son dieu. Que lui ne la désire pas physiquement, c’était l’ivresse. La confirmation. La souffrance extatique. Le socle de sa foi dans les femmes. Bizarrement ? Mais non, il faut simplement s’habituer à éclairer la vraie logique de l’opéra... De la tragédie, si l’on veut... Un éclat de rire, c’est vrai, et tout se dissipe... Brumes, châteaux, cimetières, apparitions, chauves-souris, ululements, souterrains, suintements, supplices... Draps de lit dans la nuit... Bûchers et grabats... Soupirs, malaises, balais, sabbats et goyas... Je pourrais dire que j’ai flotté ma vie sur cet éclat de rire permanent, caché, conjuratoire... Perçu de moi seul... Je n’oserais même pas dire à quel point... Insolence innée, la lumière se lève...On parlait beaucoup, Bernadette et moi... On ne faisait même que ça... Le temps passait vite, elle était intelligente, son ambition la poussait à l’invention, sa mythomanie intarissable était pleine de trouvailles venimeuses... Elle démontait tout le monde avec une bassesse de fer... Haïssant les femmes, au fond... Mais haïssant encore plus les hommes de ne pas s’apercevoir à quel point les femmes étaient haïssables... Dans ces conditions, face à ces pauvres types assez cons pour être abusés par ces connes, elle jouerait les connes contre les cons, elle les entraînerait dans la vengeance, ces prolétaires de la nouvelle espérance, plus loin, plus consciemment... Elle était imprudente, n’est-ce pas, de me raconter tout ça... Elle devait me considérer comme virtuellement mort... Pourquoi ? Je me suis souvent posé la question, et pas qu’avec elle. J’ai fini par avoir la certitude qu’elles pensent que la vraie réalité des choses n’est pas rapportable. Et que, même si elle l’était, personne ne la croirait... Ce n’est pas si faux ; ce n’est pas si bête... L’immense doublure... Fleur bleue d’un côté ; dégueulasserie de l’autre... Et ainsi font, font, font... En toute innocence... Recto idéal, verso caca...Ce qui me frappe le plus, en y repensant, c’est qu’elle ne se soit pas une seule fois préoccupée de savoir si j’avais joui... Pas la moindre attention... Ejaculation ? Connaissait pas. Voulait pas savoir. Définitivement... Pénis ? Fantôme... J’ai dit ce qu’elle voulait. Qu’on se sente en dette... Pour le don inouï qu’elle faisait de sa personne, voyez-vous ça... Un jour, en bas d’un hôtel, elle m’a pourtant dit, l’air chaviré, qu’elle avait oublié de prendre sa pilule... Et une fois en haut, sur le lit, dans un souffle Et maintenant, fais-moi exploser. »... C’est dans ce genre de situation qu’on découvre l’homme bien élevé. D’abord, il ne rit pas. Ensuite il s’exécute. Pas de sperme ? Celles-là ne sentent pas la différence. C’est très fréquent, banal. Flora, elle, était plus soupçonneuse. Elle voulait absolument me voir gicler, là, bien devant ses yeux ou dans sa bouche pour être sûre... Et commencer à récriminer... Puisqu’il était prouvé que j’avais bien participé... Que je l’avais donc exploitée...Un autre détail surprenant, essentiel, c’est que Bernadette et ses amies étaient toutes censées être en analyse »... C’est là, en effet, que nous allons pénétrer dans le laboratoire de pointe... Du côté de chez Fals... Dans la chambre à bulles psychique... Dans le nucléo-réacteur... p. 67-74 DEBORAH, bulgare, épouse du narrateur [12] Deborah, depuis longtemps déjà, me reproche mon manque d’intériorité... Mon absence de tact, de sensibilité, de sens du concret chaleureux, coloré, savoureux... A l’en croire, l’artiste, de nous deux, c’est elle... Elle a sur moi, désormais, un jugement clinique... » Le mariage est un purgatoire variable... » ça a été une grande passion, Deb... Une splendeur... Une icône de rêve... Un feu, une intelligence... La femme la plus intelligente que j’ai rencontrée... » et suivantes Comment s’appelait la nourrice de Rébecca ? Question à cent francs... Deborah...Que veut dire Deborah ? Question à deux cent francs... L’abeille ... » p. 375 Flannery O’CONNOR, américaine, Tiens, au fond, c’est vrai, c’est tout simple je n’aime que celles qui savent écouter l’harmonie, la mélodie, la fugue déroulée du temps, la poussière du temps... Je devrais me déterminer uniquement là-dessus... Méfie toi, dit Shakespeare, de ceux et de celles dont le c ?ur n’est pas rempli de musique, leur âme est noire comme l’enfer... Musique, c’est-à-dire gratuité, dépense, indulgence, indifférence nacrée... Watteau ? Léger coup de vent, les arbres remuent, le clavecin claque... » DIANE, grecque Cyd est une des meilleures que j’ai eues... Avec Diane... Athènes... Egine... Le bateau... Sillage violet... Le soleil dans l’eau... » C’est Diane qui s’est mise, un beau jour, à avoir une irrésistible attirance pour Fals... Elle a fini par entrer en analyse avec lui... Elle a même été jusqu’à vouloir le traduire en grec... Encore la belle époque 68, si l’on peut dire... Diane, c’est un peu comme Ysia, un souvenir de baise admirable... Saveur, goût, toucher... Super abricot-pêche... Un vrai coup de foudre au cours d’une soirée chez des amis... » CIRCÉ, Circé, la drogueuse... La terrible Circé » PÉNELOPE, SOPHIE, polonaise Ainsi pour S. qui a commis la faute impardonnable avec une polonaise... Charmante, d’ailleurs... Une amie de Deborah... Sophie... Mince, blonde... Comédienne... Circonstance aggravante, dans le cas de S. qui, en lui-même, était déjà une bonne affaire pour le sens national féminin... » ARMANDE, maîtresse de Fals Lacan, ANNE, juive, épouse de Lutz Althusser, JUDITH, Elle s’était mis dans la tête d’avoir un enfant de moi... ça lui paraissait normal... » FRANCESCA, Je recevais dix brochures gynécologiques par mois que m’envoyait Francesca » EMMA BOVARY Supposons Emma Bovary de retour parmi nous. Elle a cent vingt-cinq ans. Elle aura toujours trente ans. Elle est toujours aussi belle, voluptueuse, mystérieuse. Sa poursuite de l’idéal s’est peut-être assombrie, mais elle reste inébranlable. La province tout entière est montée à Paris. Charles végète comme médecin de quartier, dans un dispensaire. On murmure que la petite Berthe n’est pas de lui. Il n’espère plus aucune satisfaction d’Emma qui, chaque fois qu’il l’approche, fait aussitôt sa migraine. Elle est froide avec lui, maussade au dîner, ne rit d’aucun de ses bons mots, ne manque jamais une occasion de lui répondre par une réflexion pincée à propos de sa mère. L’Apothicaire, lui, a fait fortune. C’est un gynécologue à la mode, il a une clinique dans les beaux quartiers. C’est un membre influent du Parti. Qui ne connaît M. Homais qui a ses entrées au gouvernement ; qui écrit de temps en temps dans les hebdomadaires ; qui défend l’avenir de la science et mène sans désemparer le combat des Lumières ? Certes, ses diatribes dans la presse ne sont plus dirigées contre ces messieurs de Loyola », encore qu’il ne déteste pas y revenir de temps à autre comme à l’époque de son orageuse jeunesse à Yonville, mais contre les grands monopoles, les multinationales abusives, l’impérialisme américain, la perte de l’identité profonde de son pays. Il reste prudent, cependant. Il n’y a pas lieu de nationaliser sans discernement. Il est plus que jamais pour les expériences nouvelles, la malheureuse affaire de l’opération manquée du pied-bot est oubliée... C’est à la biologie qu’il s’intéresse maintenant. Aux gènes, aux clones, aux greffes, au splendide méli-mélo des substances qui enfin, peut-être, va permettre de créer l’humanité nouvelle. C’est ce qu’il appelle le matérialisme enchanteur de Diderot, son auteur préféré. N’est-elle pas exaltante, a-t-il écrit dans un article retentissant, cette dernière phase d’un transfert de responsabilités en matière de procréation, de Dieu au prêtre, du prêtre au prince, du législateur au couple, du couple à la femme seule ? » Sa femme, pourtant, bien que féministe convaincue, est un peu réservée sur ce point, comme il sied à un ménage convenable bien qu’audacieux ; mais lui s’enflamme, disserte, s’entoure d’un halo qui sent son alchimie. Il a lu Freud, il est pour bien sûr, mais savoure en cachette les oeuvres de Jung dont on pourra dire ce qu’on voudra, spiritualiste ou pas, c’est quand même un grand visionnaire. Bien entendu, la Papauté est toujours aussi rétrograde, malgré ses efforts poussifs pour revenir dans le sens de l’histoire vous vous rendez compte que c’est à la fin du XXe siècle qu’ils parlent de réhabiliter Galilée ! », mais sa perte d’influence est totale, du moins dans les nations civilisées, je ne vous dis pas l’Afrique ou l’Amérique latine, ni ces arriérés d’Espagnols, d’Irlandais ou de Polonais... Ce dernier Pape qui vient de l’Est, si vous voulez mon avis, ne peut être, d’ailleurs, qu’un agent soviétique, ou de la CIA, comme disent nos amis de l’Est. Le curé Bournisien, vieil adversaire borné d’autrefois, est battu. Il finit ses jours dans un obscur couvent de banlieue. Quoique de gauche, Homais n’est pas sectaire pour autant. Loin de là. Il réprouve le Totalitarisme sous toutes ses formes, y compris le russe, qui a été longtemps un obstacle à la Science. Il apprécie les positions de son ennemi politique principal, lequel a au moins l’avantage d’être rationaliste et anti-chrétien convaincu, pétri d’humanités, citant Marc-Aurèle à tour de bras, ce qui est voyant mais, tout compte fait, civilisé. Leurs idées sur les manipulations génétiques, d’ailleurs, se rejoignent, bien qu’aboutissant à des applications opposées. Il n’en reste pas moins que, parfois, Homais se surprend à penser des choses horribles dont il repousse fermement en lui-même les possibilités. Par exemple, que les nazis, malgré tout ce qu’on en a dit et qu’il fallait dire, ont eu un certain toupet... Ils se sont peut-être seulement comportés la chose arrive en précurseurs fous... Ce sont des petites pensées furtives, des sensations de pensées plus exactement, qui lui viennent quand il est fatigué de l’incroyable timidité humaine alors que l’avenir pourrait être aussi largement ouvert... Je suis un positiviste heureux », aime-t-il dire. Tous les mois, il donne une consultation gratuite à Emma, l’examine longuement, lui prescrit un cycle de piqûres au cas où elle voudrait disposer librement d’elle-même. Ils parlent de la maladresse de Charles qui, décidément, n’a pas réussi à percer et s’aigrit doucement, surtout depuis la mort de sa mère. Un cas finalement classique de fixation oedipienne », dit Homais. Emma l’approuve. Elle a depuis longtemps identifié la névrose obsessionnelle de Charles, et elle parle même, après quatre ans d’analyse, de son hystérie en riant... Ce qui n’empêche pas les choses de continuer comme avant. Léon est un jeune député de l’opposition de centre droit, Rodolphe un critique littéraire influent. On ne se donne plus rendez-vous à la cathédrale de Rouen, mais à la Closerie ou chez Lipp. On fait quand même un peu l’amour dans les voitures, le soir. Il y a quelques années, Rodolphe était fou d’échangisme, il emmenait Emma dans des partouzes parfois exagérément populaires. Emma s’y est intéressée pour faire plaisir à Rodolphe, mais s’est vite ennuyée. Les affaires d’argent seront toujours, quoi qu’on dise, les seules affaires. Emma a une vive admiration pour Flaubert, qu’elle préfère nettement aux Diderot ou aux Stendhal d’Homais, cependant ils trouvent tous deux que Sartre, dans L’Idiot de la famille qu’ils n’ont lu ni l’un ni l’autre, a remarquablement éclairé la maladie de ce pauvre Gustave... Ce que Rodolphe pense également. Le cas de Flaubert est typique. Transparent. Un peu pitoyable. Quand ils pensent au procès contre le roman, ils s’esclaffent comme d’un souvenir du Moyen Age. Comme ces gens étaient ridicules et conventionnels, n’est-ce pas, une telle méprise aujourd’hui est tout simplement impossible. D’ailleurs, il n’y a plus de censure. C’est évident. Le procureur Ernest Pinard a été révoqué depuis longtemps ; il a même été laminé aux élections dans l’Ouest. L’avocat, lui, dont on n’a pas oublié la plaidoirie, Marie-Antoine-Jules Sénard, est devenu proche du garde des sceaux, ce qui n’est que justice... Avez-vous remarqué, aime dire Rodolphe, qui est toujours imprévisible et fin dans ses jugements, que Flaubert doit son acquittement à ses origines sociales ? A la réputation de son père médecin ? Si c’était aujourd’hui, peut-être serait-il condamné ? Éreinté dans toute la presse ? On sourit devant ce paradoxe... Emma, il est vrai, reproche un peu à Flaubert d’avoir décrit la naissance de son amour pour Rodolphe en parallèle avec la description des comices agricoles et des beuglements d’ trouve ce passage un peu lourd, d’un humour voulu. C’est son côté anarchiste de droite, remarque Rodolphe, ce qu’il faut bien appeler son mauvais goût de vieux garçon impénitent. Mais Emma admire toujours autant le départ en barque avec Léon, si musical ; la promenade de la berline aux rideaux tirés ; les scènes de l’auberge... Autant elle trouve périmée la description de l’église L’église, comme un boudoir gigantesque, se disposait autour d’elle ; les voûtes s’inclinaient pour recueillir dans l’ombre la confession de son amour ; les vitraux resplendissaient pour illuminer son visage, et les encensoirs allaient brûler pour qu’elle apparût comme un ange, dans la fumée des parfums. » passage qui, chaque fois, fait se tordre de rire Homais qui y voit une ironie terrible, en même temps que le symptôme naïf de Flaubert, son oedipe mal liquidé » ; autant elle frémit encore en lisant des phrases de ce genre Elle se déshabillait brutalement, arrachant le lacet mince de son corset qui sifflait autour de ses hanches comme une couleuvre qui glisse. Elle allait sur la pointe de ses pieds nus regarder encore une fois si la porte était fermée, puis elle faisait d’un seul geste tomber tous ses vêtements ; — et, pâle, sans parler, sérieuse, elle s’abattait contre sa poitrine, avec un long frisson. » Emma trouve qu’on n’écrit plus comme ça aujourd’hui... Qu’il ne faut donc pas s’étonner si le français est en régression dans le monde entier. Qu’aucun écrivain contemporain n’a cette puissance évocatrice. Dites-moi seulement un nom ! Bien sûr, certains éléments ont vieilli encore qu’elle ait envie, pendant trois secondes, de porter un corset chaque fois qu’elle relit ce passage, mais la scansion, la force tournante de ce point-virgule et de ce tiret... On sent tout, non, dans la suspension savante de ce style... Quelque chose d’extrême, de vague et de lugubre. »... Et surtout Il devenait sa maîtresse plutôt qu’elle n’était la sienne... Où donc avait-elle appris cette corruption, presque immatérielle à force d’être profonde et dissimulée ? » En réalité, harnachée comme elle est de toute l’émancipation moderne, Emma reste Emma... C’est la même rumination, la même douleur, le même emportement, la même déception devant cette découverte brutale que seule, étrangement, la littérature enregistre l’absence, en ce monde, d’hommes dignes de ce nom... Pas d’hommes ! Pas un seul ! Tous des fantoches, des lâches, des vantards, des veaux... Sans fin, de nouveau, dans toutes ses réincarnations successives, Emma arrive à cette même et monotone conclusion désespérante... Ils n’ont aucune consistance... Sauf le temps de l’acte, où leur bestialité se révèle ainsi que leur inanité... Leur regard, à ce moment-là, fait peur... Ils sont vraiment tarés à la base... Ce sont tous, au fond, de fausses Emmas... Des imposteurs... Des schémas... Pourquoi faut-il qu’on ait besoin d’eux ? Est-ce si sûr, d’ailleurs ? Finalement, il n’y a qu’Homais de vraiment sérieux, mais il est terne, étriqué, vous ne me direz pas qu’il est baisable, et d’ailleurs son ambition lui suffit... Emma devient sensible à la propagande du FAM... Elle rencontre Bernadette... Elles tombent dans les bras l’une de l’autre... L’épisode lesbien a lieu... Mais ce n’est pas ça... Pas vraiment non plus... Et d’ailleurs Emma soupçonne vite Bernadette de n’en vouloir qu’à ses droits d’auteur... Tout n’est donc qu’illusion sur cette terre ? Les tubes de somnifère sont là, donnés par Homais. Elle les avale, espérant être sauvée à temps et susciter enfin, à son chevet, au-dessus de son visage mourant, la demande en mariage de Rodolphe... Lequel reste de marbre... S’obstine à ne pas vouloir divorcer... Préfère continuer sa mesquine vie conjugale coupée d’adultère plutôt que de se consacrer à elle, rien qu’à elle, qui lui a pourtant tellement donné, sacrifié... Qui sait, il va peut-être même pousser la cruauté, l’inconscience, jusqu’à faire encore un enfant à sa femme... Se faire faire un enfant par elle, entendons-nous... Marie Curie, par exemple, a souffert ces affres... Ce génie limpide... Mais sublimement passionné... Emmarie Curie, victime d’un amant médiocre... Langevin... L’ange vain... Emma ne meurt pas. Elle élève ses deux filles, Berthe et Marie, dans l’esprit d’une revanche globale qui, un jour, peut- être... Plus tard... Une autre fois... SARAH, MARIE la Vierge, REBECCA, LOU ANDREAS-SALOMÉ, LYNN, Cyd et Lynn, ce soir... », Lynn est une idée de Cyd. Pour elle . Pour nous. Elle est grande, châtain, jolie, un peu anguleuse, très anglaise ; elle est prof de littérature à Los Angeles, de passage à New-York... Sur quoi travaille-t-elle en ce moment ? Faulkner. » On retourne, Lynn et moi, dans le studio de CYD... [...] Une fois tout rangé, on ferme les rideaux, on s’allonge sur le lit... Et c’est là que Lynn se met brusquement à sangloter sur le lit... A se tordre... Visage déformé, ravagé... Arc hystérique... Le pont des soupirs devenu cri muscle... Fais-le-moi ! Fais-le-moi ! ... — Quoi ?... — L’enfant ! »... Bien sûr... La crise même... Je l’embrasse, j’essaie de la calmer... Elle continue à gémir... L’enfant... L’enfant... The baby... The girl ! »... Elles en ont donc parlé vraiment... Imaginer que c’était entre elles... Qu’elles l’élèveraient ensemble... Little girl... J’ai sous-estimé la violence de leurs relations... » MARIANA, roumaine, femme de Borg, voir Le scandale McEnroe LES DEMOISELLES D’AVIGNON, Picasso et les femmes, me voilà d’ailleurs dans mon sujet... GERTRUDE STEIN, FERNANDE, EVA, OLGA, MARIE-THERESE, DORA, FRANCOISE, JACQUELINE... Et les autres... » Voir les extraits cités dans Picasso et les femmes MILLE ET TRE, JANE, HELEN, 165, 166 LILITH, De Kooning C’est lui qui m’a parlé de Lilith à propos de ses Femmes... Lilith ! Isaîe, 34,14... » DORA, BARBARA, La fille aux yeux d’or, Balzac ; Nana, Zola ; Georges Sand, Musset ; Juliette, Sade, p. 197 HELGA, A propos de bouddhisme, je viens justement de revoir Helga... Elle rentre de Calcutta via Berlin... » SIMONE DE BEAUVOIR, p. 210 LA PRÉSIDENTE, Appelons la la Présidente... Etrange aventure... Je dîne avec elle, seul, chez des amis... Elle arrive en cours de soirée... Pardon du retard... Ses fonctions... Le ministère... » p. 230 La Présidente s’est mise en tête de faire mon éducation... J’ai vu ça quand elle a commencé à me parler musique... C’est comme ça que les choses deviennent brusquement ennuyeuses... [...] Littérature... Montée des classes moyennes... La Présidente est issue d’un milieu modeste... Ascension fulgurante... Vague rose... Elle fait partie de la petite-bourgeoisie française à l’assaut de l’appareil d’Etat... C’est le vertige... Couloirs, palais, lambris, plafonds et dorures... Prise de Versailles... Que faire ? Comment maîtriser la situation ? Présenter » le mieux possible ? Se fabriquer une mémoire ? Une généalogie ? Une classe » ? J’ai vite constaté que la baise était simplement pour elle un appât... ça ne l’intéresse pas... Technique de prise de contact... Son mari a disparu dans un rôle inférieur... Elle cherche un collaborateur intime... Je vais laisser tomber... Elle comprendra... Discrétion assurée... » p. 237et aussi p. 299 et suivantes LA DURAND, Cyd me montre un passage Rien n’égalait les crises voluptueuses de la Durand... » p. 240 Mlle DE LESPINASSE, p. 264 Une femme qui s’est persuadée... » p. 270 ELSA Aragon, p. 282 AMANDINE, p. 283 Mme DE GUERMANTES, ODETTE, Mlle DE VINTEUIL, p. 287 JUDITH, Vous vous souvenez...Celle qui voulait tant un enfant... Celle qui m’aimait tellement sans condition... » p. 289 ANGELA LOBSTER, romancière anglaise, p. 293 MARIE FRANCE, Je plaisais beaucoup à Marie-France... On sortait ensemble avec son mari, des amis... Elle, blondasse pâle, bourgeoise alsacienne, pointue, mangée de migraines... » p. 302 MARTINE, p. 302 DAISY, MYRTLE Fitzgerald, p. 330 ARMANDE BÉJART Molière, MILDRED une américaine, p. 347-348 ELISSA, p 348, MARTHE, LES GOULES, voir article SANDRA, p. 355 amie de Flora, scénariste JEANNE, p. 357-359 Les deux syllogismes de l’hystérique... Le premier Il m’aime, or je ne suis rien donc c’est un con » Le deuxième, donc » Je l’aime, or je suis lui, donc il est mort. » Il y aussi ce que S. appelle la grande loi ». La voici Pour une femme, un homme est tout entier un sexe érigé ou un trou, mais jamais un corps muni d’un sexe qui soit autre chose qu’un trou. » p. 367 Mme du DEFFAND, Rousseau écrit, à propos de Mme du Deffand Je finis par préférer le fléau de sa haine à celui de son amitié. » Bien dit... Tournons la page... » p. 368 LA MÈRE DE CYD, C’est une à peine vieille dame, très fine, très calme » p. 369 Cyd est ravie... Sa mère m’aime... Elle le lui a chuchoté dans le couloir lorqu’on est partis... Tout s’est passé en douceur... Du coup, Cyd me fait encore une fois l’amour... Avec tendresee... Et autorité... » p. 370 Les joyeuses commères de Windsor, Macbeth Shakespeare Mrs DALLOWAYS Virginia Woolf p. 369 UNE FILLE D’UNE VINGTAINE D’ANNÉE, BRUNE... p. 372, 384 JEZABEL, Affaire clé... Encore une femme... Qui a tout de suite compris, mieux que tout le monde, le danger d’un personnage comme Elie... Il va nous casser le coup-la-déesse...Renverser nos idoles... » p. 373 J’ai décidé de voir un peu plus près les histoires de femmes dans cette région... Mais ça sort de partout ! Mais ça ne parle que de ça ! » >> SARAH, HAGAR, REBECCA, RACHEL, LEA BILHAH, etc... p. 374 L’éternelle HÉLOISE, p. 416 RACHEL, RUTH, MYRIAM, SARAH, p. 422 KITTY, p. 436 à Jérusalem Le livre d’ESTHER, p. 437 LA GRANDE MÈRE MYCENIENNE, Béatrice du pétrifié !... L’anti-Pietà ! ... La dalle !... », Isis !... Nourrice !... » p. 438 ÉLEONORE D’AQUITAINE, p. 442 [PAUSE J’ai un peu perdu mes personnages en route, dis-je... Je les retrouve... Je fais le point avec eux...— Je voulais dire ; combien de pages ?— 452...— 452 ? » p. 452] LOUISE musicienne, Tiens, mais qui vient d’entrer dans le fond, là-bas ? Louise !... Vous vous souvenez ? Non... Vous ne vous souvenez jamais de rien... La pianiste... La pianiste du début... D’autrefois !... Elle est avec une amie... Elles cherchent une table... Je leur dis de venir... L’amie de Louise, autrichienne, est chanteuse... Tu t’intéresse toujours au piano ? dit Louise... A Scarlatti ? Haydn ?...— Mais oui, plus que jamais...— Tu sais que Haydn marche très fort maintenant ? Ce n’est pas comme quand on se voyait ? Tu te souviens ? Tu parlais toujours de l’injustice dont Haydn était victime... Toujours ta haine du XIXe siècle ?... » » p. 454 LOUISE, LA CLAVECINISTE Allez, on oublie tout, les enfants, on est dans la musique de Venise !... On oublie tout ! Et le reste ! Et tout ! De nouveau !... On refuse le chantage au malheur... On y va ! On court ! On s’amuse !... Je les prends par la main, mes deux musiciennes, je les entraîne follement dans les ruelles, on bouscule un peu les promeneurs, on va s’allonger sur ma terrasse au soleil... Sonia est plutôt surprise... Déjà !... Mais elle se laisse gagner... Elle leur prête des maillots... Inge garde un foulard autour du cou... La voix... Je les regarde... Louise, brune, petite, un peu grosse... Inge blonde, mince, frêle viennoise... Ne surtout pas approfondir, ne surtout pas se connaître trop, rester dans le malentendu et la mélodie... On verra... Plus tard... Le sinistre moment psychologique... L’épisode de la transaction... Tout dépend de l’ordre des opérations... Ou bien on commence par la gratuité sexuelle, maintenue, affirmée... Ou bien par des négociations psychiques... La suite de l’intrigue en dépend... Foncer d’emblée sur l’acte, et tout est délivré... Attendre, et c’est l’enlisement des personnages, la glu des rôles... On va mener ça à la baguette... Un, deux, trois... Rondo... Allegro... Où sont- elles descendues ? Au Luna... Elles sont libres à dîner ?... Bien sûr... Je les chauffe l’une contre l’autre... Je chantonne un peu... Inge trouve aussitôt que j’ai une voix pas mal du tout, vraiment belle, j’aurais dû la travailler, dommage... Vivan le femmine ! Viva il buon vina ! » ... Mais c’est très bien ! »... Louise se durcit... Sonia, désorientée, apporte des jus de fruit... L’après-midi est flambant neuf, des voiliers passent devant nous, les vaporettos, les taxis sautant sur les vagues... Frisson de vent doux... Io mi vaglio divertir ! »... Pas mal ! Pas mal ! » ... Inge roucoule un peu en Zerline... Vedrai, carina, se sei buonino, che bel rimedio ti voglio dar » ... Allons, il faut qu’elles aillent répéter... Elles se rhabillent... Elles couvrent de nouveau leurs peaux blanches... Je les accompagne... Je reste avec Louise... Elle m’entraîne au Palazzo Grassi... Son clavecin est là... On est seuls... Je l’embrasse... Elle est d’accord... Je retrouve sa langue d’autrefois, timide, chaude... Moins timide, plus chaude... Mais il faut qu’elle travaille... Ah, oui... Elle attaque les variations... Elle se transforme immédiatement, des pieds à la tête... Masque impératif, décidé... Elle est très loin, tout à coup, à deux mètres... Quels progrès elle a fait !... Plus rien d’approximatif... Vraiment dedans, système nerveux emboîté... Le cercueil de bois répond, cathédrale... Nef, abside filtrée... Puissance de la voûte qui se fait plumes... Elle s’arrête, elle n’est pas contente... Elle reprend... Voilà... Elle ferme les yeux, elle avance... Tout est de nouveau debout devant elle... L’espace est dressé, défile, se défile, se déplie, portée par portée... Les mains, les chevilles... Plongée du cou dans les bras... Et du visage dans le cou souple... Elle change sa respiration... Elle s’arrête encore pour vérifier la spirale qu’elle est devenue... Et la voilà repartie... Colonne vertébrale dégagée, maintenant, moëlle épinière venant vibrer juste au bord des doigts qui agissent... L’instrument ne pèse plus, elle l’a eu, il flotte... Elle le fait monter... Table tournante... Guéridon des rêves... Divan d’harmonie... Toute seule... J’ai l’impression qu’elle est avec son clavecin à un mètre au-dessus du parquet ciré... Elle me donne une leçon, la petite Louise... Alla francese !... Presto !... Elle me prend... Elle m’emmène avec elle... Par coeur... Elle commence à transpirer dans sa robe cerise à poids blancs... Tout à l’heure, dans la rue, sur la place, j’ai deviné à plusieurs reprises sa culotte blanche en transparence moulant ses fesses fermes... Tabouret de cuir... Elle enlève en douceur sa sensualité lourde des bras, nécessaire à la sûreté des poignets, à tenir le coup sans fatigue... Il faut la graisse, et il faut les nerfs... La salle du palais déserte résonne Goldberg... Bois, dorures. Elle s’arrête... Bruit du pédalier relevé, sec, comme une machine à tisser... C’est la note dorsale en plus, la note-peigne, la note—corne claquée... Les ailes avalées, l’avion de la partition est parti tout seul dans l’inaudible... Elle garde les yeux fermés... Scarlatti ! », je chuchote... Elle fait semblant de ne pas avoir entendu... Elle respire à fond, redresse le buste... Je revois les Dimanches où elle me tenait contre elle au piano... Elle reste là en suspens... Elle me fait bien sentir qu’elle décide... Et puis elle plonge... A toute allure... Gigue... Elle m’envoie ça en pleine figure... Le tourbillon, la joie... Mains, hélices... Becs... Passant l’une par-dessus l’autre... Tressautant... Piquant... Ça y est, c’est l’émotion complète... Elle le retourne par tous les bouts à la fois, son clavier... Elle le spectre... Elle l’expédie en flash-back. Cette fois, elle sourit... Ça l’amuse... Bon, moi, je vais pleurer... Je pleure... Mais alors, à chaudes larmes, stupide, dans mon fauteuil... Elle me voit très bien... Elle m’ignore... Elle insiste... Elle me viole à fond... Salope chérie... Elle est implacable... Je ne compte pas, elle non plus... Scarlatti non plus... C’est la pluie noire du temps, à vif, qu’elle interprète... La gifle sur les vitres, en plein soleil, en dehors de tout... La punition du magma, des miasmes... L’orgueuilleuse fin de non-recevoir... Elle se mord les lèvres, elle colle à la diablerie. Peu à peu, elle est devenue transparente, mouvement de perpétuité, balancier... El ralentit par paliers... Rentre dans la procession... S’éloigne sous les fenêtres... Se retourne... Lance un dernier adieu... Se tait. On reste deux minutes immobiles... Je me lève, je vais embrasser sa nuque trempée de sueur... Elle sent l’herbe fauchée.. Le gazon... Le soir vert... Extrait publié dans art press n° 66, janvier 1983. - Voir également les pages 537-536 dans Mozart avec Sade. INGE, à Venise, Ne surtout pas approfondir, ne surtout pas se connaître trop, rester dans le malentendu et la mélodie... On verra... Plus tard... Le sinistre moment psychologique... L’épisode de la transaction... Tout dépend de l’ordre des opérations... Ou bien on commence par la gratuité sexuelle, maintenue, affirmée... Ou bien par des négociations psychiques... La suite de l’intrigue en dépend... Foncer d’emblée sur l’acte, et tout est délivré... Attendre et c’est l’enlisement des personnages, la glu des rôles... On va mener ça à la baguette... » p. 523 aussi, p. 556, 558 CLÉOPATRE, HAMLET ET SA MERE, OPHELIE, Vous pouvez imaginer l’éternel Polonius caché pour observer l’épisode sexuel qu’il soupçonne entre Hamlet et sa mère ?... Polonius a trop lu les Grecs... Cette obsession n’en finit d’ailleurs pas de dérégler Ophélie...... Shakespeare ne le dit pas... Il ne va pas du tout dans ce sens... Pas du tout... Au contraire... Ce que ne veulent pas admettre une seconde les légions de Polonius effarouchés dissimulés dans les tentures et teintures de leur maman-reine... Ils y croient de toutes leurs forces au désir du fils pour sa mère !... C’est ce qu’il leur a dit...ça expliquerait le meurtre... Mais non... C’est d’abord elle !... Bien elle !... C’est pour cela qu’elle ne sait pas faire la différence entre deux hommes, au fond... Ah, black lady ! » p. 463 SYCORAX, Encore une affaire anti-mère... Sycorax, la sorcière, avait enfermé Ariel dans un pin... » p. 464 JEANNE D’ARC, Pourquoi les français traduisent-ils ça si mal ? Ils sauvent leur mère, lis gardent la pucelle... Jeanne d’Arc... » p. 465 EDWIGE, Tiens, voilà Edwige sur la plage... Cadre féministe ancien... Plutôt brave... Elle ne nous quitte plus... Elle récite de temps en temps son catéchisme... Vieille hypnose... L’androgyne... La mère à qui l’on doit tout... Spoliée depuis toujours... », Eh bien, les cultes maternelles, dit Deb, c’est clair ! Justement ce que la Bible n’arrête pas de combattre... » p. 477 KATHLEEN FERRIER et BILLIE HOLLIDAY, Bon, je veux bien que ces deux-là définissent une ère nouvelle pour les femmes... Et donc pour l’humanité entière... Kindertotenlieder... Lover man... La gorge, les poumons... Les sinus de Billie Holliday... Le jazz en avance sur toute cette époque ? Tellement net ! Passons... » p. 478 MILENA, FELICE, JULIE, DORA Kafka, p. 485 [Baudelaire La haine est le tonneau des pâles danaïdes. » p. 491] LA MORT DE CYD, p. 495-499 Wanda LANDOWSKA, Comme HASKILL dans Mozart... Femmes d’au-delà... Intervalles Sauveuses... Tout pour l’impalpable... Cyd... Je m’éteins sous leurs doigts savants... » p. 514 SONIA modéliste, à Venise, p. 521, 532, 533 ZERLINE, p. 529 FRANCESCA, J’entends Francesca, toute pâle, me dire, à Paris Ah non, dieu », pas question ! Non alors ! »... Je ne sais plus pourquoi... Je n’allais tout de même pas lui répliquer qu’elle avait tort d’exhiber ainsi sa frigidité... » JULIETTE, Juliette et les prospérités du vice, livret de Donatien Alphonse François de Sade, musique de W A Mozart... Ce qui était impensable à l’époque, pourquoi ne pas le réaliser aujourd’hui ? On aurait dû y penser dix fois. » p. 538 Cf. Mozart avec Sade — 11h de radio ! — et aussi Il n’y a pas d’autre inconscient que l’inhibition à lire Sade » dans Voilà le Sade LA DURAND, MME DE SEVIGNE, p. 539 Les bébés Nobel »... VITTORIA, p. 543 LA COMTESSE, p. 548 SAGAN, p. 550 MYRRHA, Une fille qui a baisé son père avec la complicité de sa vieille nounou, pendant que sa mère célébrait le culte de Cérès. Les dieux, agacés, l’ont changée en arbre donnant le produit de son nom... L’odeur du mirage... Dante, sévère, la met en enfer...Vous trouverez le récit du cas dans le grand foutoir d’Ovide... Ah, ces païens !... » p. 555 ATHENA, La déesse aux yeux pers... » p. 566 Et, pour finir Tiens cette élégante, là, blonde, assez grande, chemisier noir, tailleur gris et yeux gris, qui me sourit... Je la connais ? Non... Ah si, on s’est vus une fois au Journal... Oui, c’est vrai, anglaise... Sunday Times... Côté fumeurs ? Oui... A tout de suite ? Oui... Elle est très bien... La peau... On flotte un peu... Elle feint de regarder quelque chose dans son sac... Sourit encore... Gris-lumière... C’est l’appel, maintenant... Now boarding... Clignotant rouge... Embarquement immédiat... » p. 569-570. Femmes , Gallimard premier roman de Sollers publié dans la collection blanche, 1983. oOo FEMMES » ET LA CRITIQUE Le Monde Jacqueline Piatier pdf , Libération, Le Matin, L’Express, Le Nouvel Observateur. Des journaux classés plutôt à gauche [13]... Il est intéressant de relire ce que de brillantes plumes écrivaient au moment de la publication de Femmes ! Deux articles se distinguent par leur virulence symptomatique celui de Laurent Dispot Sollers est-il fasciste ? » Vraiment ? et celui de Dominique Fernandez Femmes est un énorme pensum mou, une masse gélatineuse... » [14]. Mais on s’interroge sur l’apparente "bienveillance" d’un critique qui termine son article par ces mots Qu’y a-t-il dans ce livre ? Je ne sais pas. Peu d’homos, beaucoup de mots. Et, ça mousse, ça mousse ! Bidon ! [...] Ses cinq cent soixante-dix pages sont insupportables, vraies comme la confidence d’un mourant qui veut encore parler à sa mère et qui s’écoute, ému par lui-même, tandis qu’il agonise. » Enthoven.Allez-y voir vous-même si vous ne voulez pas me croire ! Libération du 3 février 1983 par Daniel Rondeau Sollers est revenu dans sa province l’écrivain est à Paris. Douze livres derrière, Paradis, Visions à New York... Trois devant. A paraître. Et un nouveau entre les dents. Femmes. Epais, fluide. Lourd comme un lingot de la banque centrale. A propos de cet événement, on aurait pu écrire A des milliers de milliers de kilomètres de sa propre existence exit danse et ex Vil transe, le gland dressé dans sa curieuse solitude la main crispée sur sa machine Philippe Sol-Air fait le méninge chez Gallimard remue ménage tête chercheuse dans les couloirs le malin au satan dard chez Bonin allo mademoiselle Céline 32 32 ici le nouveau cadet de Gaston vous écrit un roman infini la littérature c’est ma vie des grandes villes métropoles en grands buildings voyeurs vibromateurs d’histoire de c ?urs le moteur est l’écriture de ma propre histoire Lambrichs et Arland sont dans la boîte à gants de l’air au Bic la plume au vent je malaxe ma vie en destin je rentre dans la galaxie des éditions de la Nrf additif 83 premier semestre du catalogue du 31 décembre 1967 l’étoile Solaire brillera entre René de Solier et Fédor Sologoub pages fécondées par Catherine Clémentine et Antoinette Soubirous mères de toutes nos filles à droite en sortant le Bar de l’espérance le garçon m’appelle déjà Jimmy à gauche l’hôtel du Pont Royal le garçon m’appelle déjà comprenne qui voudra qui s’y connaît en lignes, ça suffit ! TU VEUX QUE JE TE SUCE Femmes est l’histoire d’un journaliste américain qui se promène dans le grand monde comme dans son jardin. En correspondance étroite avec un écrivain français, il profite des loisirs d’une année sabbatique pour faire ample moisson de visions et d’impressions. Ecrit un roman dont le titre provisoire Femmes désespère tous ses amis. D’une façon générale, l’homme en question est plutôt sympathique. Anticommuniste primaire, catholique. Admire beaucoup le pape. Il tient à son sujet des propos extrêmement sensés. Pourtant minoritaires. Ne porte pas Arafat dans son c ?ur. Est plutôt mal vu dans son journal de gauche. Comme une sorte d’inévitable provocateur de service. Très sociable, mais ne craint pas ses solitudes. J’aime sentir le temps passer pour rien, n’importe où, dépenser le temps, me sentir le temps lui-même courant à sa perte. » — Séducteur, il va vite en amour. Droit au but, sa diligence évite bien des complications. Il préfère les jeux des corps aux tortures du coeur. Grand voyageur, il court d’un aéroport à l’autre. J’aime m’endormir en pensant aux fuseaux des heures, le jour dans la nuit sur l’échiquier des océans. » Amateur de femmes, il se sent parfois isolé sur une planète peuplée de pédés. Leur seul rêve est d’être comme des femmes à queue l’un avec l’autre. » Les femmes, il les enjambe à hue et à dia. Elles ne demandent d’ailleurs que cela. moi aussi j’en veux, ndlc. Tu veux que je te suce mon salaud ». Cosi. Le roman s’avance fougueusement sous nos yeux. Ce qui est intéressant dans la vie, c’est quand elle se met à ressembler au roman qu’on est en train d’écrire. » La vie de l’auteur, donc, comme un catalogue. Des villes Paris, Rome, Londres, New York, Venise. Des livres Finnegans Wake, la Bible, Les Mémoires de Da Ponte, Juliette de Sade, Women de Bukowski. Des peintures Bill de Kooning. Tiepolo. Rembrandt. Le cavalier polonais. Des musiques Mozart. Paul Desmond. Scarlatti. Les Sonates par Wanda Landowska. Des femmes Cyd, Ysia, Diana, Deb, Flora... Portraits plus vrais que nature. Le narrateur serait plutôt doué pour une sorte de bonheur furtif. Mais il sait regarder les fatalités s’accumuler sans sourciller. Sans craindre les failles des rituels qui rythment cette vie vagabonde. Chacun est seul à jamais, dans son canal entre deux écluses, deux cataractes insensées. » Chaque conquête est aussi une défaite. Et dans l’odeur des femmes le parfum d’un deuil. Le monde appartient aux femmes. C’est-à-dire à la mort. Là- dessus tout le monde ment. Autant annoncer la couleur en face. » lire la suite * par Laurent Dispot Dans Femmes Gallimard dont il parlera ce soir à Apostrophes, Philippe Sollers met dans la tête de son narrateur, qui, sans être lui-même, est nommé quand même S », des phrases ahurissantes de violence hallucinée sur les homosexuels. Et il fait un récit vaguement apitoyé et dégoûté des dernières années d’un certain Werth, grand professeur » — on reconnaît Roland Barthes — glissant jusqu’à la mort dans des complications de garçons » obsessionnelles, honteuses. Dans l’hebdomadaire Gai Pied, le jeune écrivain Renaud Camus auteur de Notes achriennes, Hachette, 1982 compare cette attitude à celle des nazis et à l’antisémitisme. A noter que dans le numéro de Gai Pied à paraître demain, Renaud Camus s’en prend pour les mêmes raisons au dernier livre de Marguerite Duras, la Maladie de la mort Minuit. Pour lui, pas de doute on assiste à un tir groupé » contre l’homosexualité, venu du côté d’où on l’attendait le moins, les intellectuels dits d’avant-garde ». Une affaire grave, très grave, vient d’éclater dans le milieu littéraire parisien, une de celles qui démarrent comme un bruit étouffé dans un cercle restreint, mais deviennent formidables au fil du temps, et dont on parle encore des années et des années plus tard lorsqu’on mesure quelle importance elles avaient eue comme signe annonciateur. C’est le premier craquement, la fissure et c’est toute la période de l’ avant-garde », parisienne des années structuralistes et telqueliennes qui continue sa décadence et son effondrement, avec les conséquences pathogènes, les effets-pervers, de tous les bas-empires... Un appel à la haine sexuelle Les intellectuels engagés » des années cinquante, suivis des intellectuels de gauche » des années soixante, suivis des structuralo-sémiotiques et du grand retrempage de Mai-68 qui leur donna de la relance jusqu’aux rivages des années quatre-vingt, avaient pour eux une chose qui ne leur fut jamais contestée et qui leur gagnait l’assentiment de bien de leurs adversaires de batailler contre la censure, contre l’ordre moral, d’aider à l’émergence d’une plus grande liberté des sexualités. L’Eglise et la Science, la foi et le positivisme, ces ennemis dont la lutte secoue le XIXe siècle, s’entendaient parfaitement sur un point la persécution des homosexuels — sodomites » statues de sel de Sodome pour les uns, malades relevant de l’asile et de la castration pour les autres. Nos intellectuels, dont Sollers, firent de leur défense une question de principe. Certaines figures de proue, comme Roland Barthes édité par Sollers, se mirent à affirmer plus authentiquement, dans leur vie même, par une certaine coloration et une chaleur de leur enseignement, cette liberté ; au profit de tous, homosexuels ou pas on se rappelle le très grand succès public des Fragments d’un discours amoureux de Barthes, entièrement baignés dans celle lumière d’un bonheur sexuel — bien sûr complexe — sans- justification ni sanction. L’évolution des moeurs et des lois a accompagné ce mouvement. Or voici ce qu’écrit Sollers dans Femmes en 1983, quelques années après la mort de Barthes surnommé Werth. Les phrases sont arrangées comme une réflexion » du narrateur, S ». Elles ne sont pas contredites. Et sans cesse dans le roman », le narrateur est de toute évidence le porte-parole de Sollers Tous les homosexuels m’ont donné, à un moment ou à un autre, la même impression étrange, celle d’être comme mangés de l’intérieur, comme si une improbable force corticale, vertébrale, les amenait peu à peu à l’état de fantômes prématurés... D’apparitions contorsionnées, obliques... D’assèchement pétrificateur... Statues de sel en cours... C’était sensible chez Werth dans les derniers temps... Quelque chose de plus en plus friable, diaphane, gris-blanc... D’exsangue... Une sorte de fureur rentrée, sourde ; de fausse gaieté... Envie, jalousie... Feu lourd, hépatique... » [15] Sodome », feu » les bûchers. Corticale », hépatique », exsangue » la médicalisation. L’Eglise et la Science réunies comme aux plus beaux jours de la haine sexuelle... Laurent Dispot, Le Matin, 4 février 1983. * Le duel Philippe Sollers/Laurent DispotLa création de la revue L’Infini Boîte aux lettres », une émission de Jérôme Garcin, 20 février 1983. Suite à l’article de Laurent Dispot, Sollers est-il fasciste ?, un duel à fleurets mouchetés de 6 minutes oppose les deux dans un second temps, Philippe Sollers est interviewé dans son bureau de l’Infini. Il vient de quitter les éditions du Seuil pour Gallimard. L’écrivain évoque la tradition des éditions Gallimard, la naissance de la nouvelle revue L’infini, publiée jusqu’en décembre 1986 chez Denoël, et la signification qu’il donne à ce titre. Il évoque ensuite Joyce et Freud. Désolé, votre navigateur ne supporte pas la balise vidéo HTML5 en format MP4/H264 LIRE AUSSI Entretien de Sollers avec Laurent Dispot, Play boy, mars 1983 pdf du Gai Pied à Play boy, la tension est retombée. Laurent Dispot, dont Sollers avait défendu La machine à terreur à la fin des années 70, publie d’ailleurs, dès mars 1983, un long article — Trois Führers pour Hitler — dans le numéro 1 de la revue L’Infini. * Des milliers de petits points par Dominique Fernandez Saviez-vous la nouvelle ? Philippe Sollers, le fameux révolutionnaire, le paladin de nos avant-gardes, la locomotive de Tel Quel, qui avait renoncé à la ponctuation sous prétexte qu’elle exerce une fonction répressive, allait revenir à une syntaxe articulée, à une prose plus lisible. Quel bonheur pour tous ceux que laissa pantois le cas de cet écrivain si visiblement doué, mais non moins obstiné à déconcerter ses lecteurs par ses grimoires réservés à la fine fleur de l’intelligentsia parisienne. Voici donc le miracle presque 600 pages extrêmement faciles à lire, en effet, puisque les phrases y ont rarement plus de deux lignes, et le plus souvent deux ou trois mots à peine. Que voulez-vous ! Ce qui est devenu impossible, simplement, c’est la phrase trop subordonnée, propriétaire, la photo fixée... Il nous faut l’incertitude désormais la légère certitude de l’incertitude ; l’approximation différée ; la défense oblique... » Guerre à la subordonnée que vous aviez le tort de croire la beauté et la gloire de la langue française ! Notre grand linguiste nourri au lait de Jakobson et de Chomsky en est arrivé là laissons courir la plume toute seule, grisons nous d’un automatisme à peine contrôlé. Plus la peine d’écrire, en somme. Le signe de ponctuation préféré jusqu’à l’ivresse, jusqu’à la tyrannie, sera les trois petits points, jetés d’un geste entre les mots. Des milliers de petits points parsèment les lambeaux épars de Femmes ». Tant mieux, d’ailleurs, car lorsque l’auteur se lance dans une construction plus complexe, nul ne l’égalerait dans l’amphigouri ampoulé Ce qu’il faudrait, c’est la notation exacte de l’aventurier sur les sensations internes de son bout d’organe à la rencontre de la dérobade compréhensive de la chair pénétrée. »Trissotin n’aurait pas trouvé tournures plus galantes pour décrire ses expériences érotiques. Femmes » est un énorme pensum mou, une masse gélatineuse, abusivement présentée comme un roman, alors qu’il ne s’agit que d’une chronique pour les intellectuels parisiens, dont le plus brillant, notre auteur, dissimulé sous l’initiale de S, raconte complaisamment ses palinodies politiques et ses élans amoureux. Avec cette profonde philosophie à la clef rien n’a d’importance, sauf la baise ! Marx, Lénine, Mao, qu’on a adorés tour à tour ? Voyez plutôt Kate, Cyd, Flora, Ysia et les autres. Sollers note le plus précisément possible les sensations internes de son bout d’organe au fond de la chair de ces dames. Cela amusera sûrement le cercle de ses amis, peut-être moins le lecteur qui attend d’un livre autre chose que des souvenirs de passages pourraient sauver du naufrage cette grosse méduse amorphe, mais à deux conditions 1. que le public connaisse les clefs qui seules permettent de goûter pleinement les événements racontés. 2. que, les connaissant, il ne soit pas choqué de la légèreté du récit à propos de faits plutôt graves. Un des nombreux agréments de Femmes », en effet, c’est que les personnages n’y ont aucune consistance, aucune épaisseur romanesque. N’existant pas en eux-mêmes, ils ne retiennent l’intérêt qu’indirectement, si on reconnaît le modèle caché derrière la pirouette allusive. Comme jeu de société, vous pouvez tenter le coup. Ainsi, dans ce philosophe marxiste qui étrangle sa femme parce que celle-ci est devenue le bruit insupportable d’un ronflement d’un robinet, d’une goutte d’eau », on identifie facilement le héros d’un récent fait divers tragique, mais la question est de savoir si la séquence brillante qui brode sur ce crime est à la hauteur du sujet. Plus émouvantes seraient les pages sur le nommé Werth, dont la mort à la suite d’un accident de la rue rappellera à plus d’un ce célèbre essayiste renversé par une voiture devant le Collège de France, si, là encore, l’évocation de personnage n’était gênée par des considérations douteuses sur un problème qui manifestement dépasse la compétence de leur s’en veut de se montrer si sévère, sur un écrivain dont le talent principal a toujours été de tourner à son profit les éreintements que chacune de ses oeuvres lui attire. Contribuons donc à sa gloire, en prévenant le lecteur de Femmes qu’il pataugera dans un flasque fatras de redondances et de complaisances. L’auteur s’est trompé de calcul en se dépouillant de son manteau d’obscurité et de mystère. La clarté étale l’indigence, la lisibilité révèle l’imposture. Si vous vous vous intéressez aux femmes, relisez plutôt De l’amour d’un écrivain vraiment jeune et dont on parle beaucoup en ce moment, bien qu’il soit âgé de 200 ans Stendhal [16]. Dominique Fernandez, L’Express du 4 février 1983. * par Jean-Paul Enthoven Roman ? Romensonge ? Casa romentale ? Romentir-vrai ? Comment savoir, puisqu’il s’agit d’un météore en provenance du système-Sollers, nébuleuse en expansion et propice à la confusion des genres. Des mauvais genres en la circonstance, car ces Femmes », couchées sur prose classée X, s’agitent dans le hard. Le velin énêrèfe accueillit-il jamais autant de baise, de foutre, de pornosexe ? Disons-le les vicelards en panne qui, depuis le Con d’Irène », n’avaient plus rien à se mettre sous la main vont redémarrer ! Sollers, lui, juché sur l’Infini, guette le scandale, extatique. II sait que son dernier livre va perturber le ronron coïtal du réseau. II l’a écrit pour ça, pour le ça. Acheteurs, gogos, célino-joyciens, snobs, ultramontains new look, travelos, travelotes, détachez vos ceintures ; on décolle... Le sujet ? Mais tout le monde sait qu’il n’y a plus de sujet depuis Freud. Alors, au choix fable sur la mort, philosophie dans le boudoir, tralalas en Bataille, scènes de chasse à Gomorrhe. Tout, oui tout, branché sur un style en acier style steel, avec virgules, point à la ligne, personnages, intrigues, marquises à cinq heures. Du classique. Sollers, qui devait être las d’écrire, depuis sa curieuse solitude, des livres non lus, de se gâcher la plume dans des cambrures sado-maoïstes, a décidé de ratisser large d’où, de chic, ces gammes sur le dos des femmes. Oui, femmes, mères, amantes, putes, Sollers vous hait avec une touchante démesure ! Misogynie ontologique ! Exécration mystique ! Pensez il croit que le monde vous appartient qu’à travers vous il appartient à la mort, et ça le décoiffe ! Son livre n’explore que les dessous de cette vieille affaire cosmique. La copulation astrale que Fourier rendait responsable des aurores boréales n’est, en comparaison que chaste flirt. Lui, il fonce vers le néant, chargé à la drogue Weininger, et il dit tout, tout ce que les romanciers ne disent pas quand Mathilde rejoint Julien au grenier, quand Odette fait Catleya avec Swann. Ça trucule, énorme, explosif ! Une montagne pour quelques souris. Une gigantesque balade dans les ventres de Paris. La Comédie féminine écrite en KômmProust ». C’est beau. Dès le générique, les premiers profils Cyd, Flora, Deborah..., on deviné que Sollers dispose d’un système nerveux inédit dans nos lettres. Est-ce un mutant ? Possible. Son excuse il sait. Quoi ? Que la clitocratie est là, susurrante, fatale, aspirante. Que toutes les religions, toutes les rationalités, — sauf l’art — s’abolissent comme la voix dans la bouche d’ombre. De la piazza Navona à la Cinquième Avenue, le narrateur un Américain catholique en fait ici les frais, complice d’un certain S » qui, à Paris, se débat dans les mêmes eaux. Orphée aux enfers, Eurydice au Politburo, chez Baader, partout ! De party en parti, elles le rendent fou, il va craquer overdose, ovairedose. Et que faire face au triomphe du matriciel ? Tenter le gynocide ? Trop risqué. Ecrire un roman, longue plongée dans l’effet-mère ? Tiens, c’est une idée appelons ça Femmes », et mettons-y tout ce qui tombe des télex judéo-chrétiens la Vierge, Bovary, le Tétragramme, Isaïe, la vox populi, Walesa, la psy, les abeilles bulgares, Begin, le Filioque... Ce livre voudrait être un entonnoir, sublime, la poubelle d’un siècle débordé par Thanatos, le grand réceptacle de nos ratages — et ça fonctionne. Hystérie en vitesse de croisière. Eloge de la vulgarité. Du grand art, en somme. Stratégie de voyeur Du grand art truqué, bien sûr, puisque, Sollers est né truqueur-chef. Sa façon racoleuse, par exemple, de séduire par clichés, de mixer Dante avec, Androgynopov, Baugon avec Aravor ; de planer, l’air de rien, sur les m ?urs de quelques capitales, de quelques contemporains ou péchés capitaux... Sa stratégie de voyeur, son côté curé Sollers connaît par c ?ur le nom de tous les successeurs de Pierre Lin, Clément, Anaclet, Évariste, Sixte, Télesphore, Hygin, Pie, etc.... Sa manie d’écrire-comme la fin d’ Ulysse » à l’époque de Paradis », Rigodon » maintenant... Mais enfin, quelle habileté ! Quel doigté, là, entre le bruit et la fureur, pour moduler une vision de Jérusalem, le suicide altruiste » d’Althusser, le regard de Lacan sur les jambes d’une de ses élèves, un moment d’Italie, la politesse de Barthes, symboles perdus dans un océan de vomi d’où émerge la seule question qui vaille Jean-Paul II va-t-il béatifier Flaubert ? Qu’y a-t-il dans ce livre ? Je ne sais pas. Peu d’homos, beaucoup de mots. Et, ça mousse, ça mousse ! Bidon ! Faux ? Soit. Mais si le faux est devenu la valeur étalon de ce temps de détresse, le faux suprême en dira 1a vérité. Et Femmes » y prétend grâce à sa mégalomanie convaincante. Comment pourrait-on, ne pas dévorer ce livre ? Ne pas s’y jeter, fût-ce d’un seul oeil, d’une seule oreille, d’une seule main ? Ses cinq cent soixante-dix pages sont insupportables, vraies comme la confidence d’un mourant qui veut encore parler à sa mère et qui s’écoute, ému par lui-même, tandis qu’il agonise. Jean-Paul ENTHOVEN, Le Nouvel Observateur du 11 février 1983. * Philippe Sollers répond aux critiques dans Le Nouvel Observateur du 15 avril 1983. Le mauvais genre par Philippe Sollers Pourquoi lit-on des romans ? Assez d’hypocrisie pour se renseigner sur les situations sexuelles. C’est toujours avec un léger serrement de gorge qu’on va droit aux scènes troubles, aux sensations dérapantes, aux atmosphères prêtes à basculer, voire aux moments ouvertement érotiques. L’état d’une littérature, sa qualité, au-delà de toutes les discussions idéologiques ou formelles, se jugent là. Un auteur doit finalement sa réputation à ce qu’il aura transformé, gêné, dérangé dans cette dimension. Le public le sait d’instinct. On aura beau lui parler d’autre chose, lui proposer des commentaires, des visions du monde, des justifications philosophiques ou techniques, il conservera, buté, sa curiosité enfantine, insatiable, sauvage. Rappelez-vous comment et pourquoi vous avez découvert certains récits. Allons, c’est en sommes-nous aujourd’hui ? Hélas, il faut bien reconnaître que cette vieille affaire toujours nouvelle se traîne plutôt. Nous savons tout ; nous ne disons plus rien, ou presque. Nous pouvons avoir accès, quand nous le voulons, à toute la panoplie des gadgets pornographiques ; mais la littérature, elle, reste curieusement réservée. Du moins sur un sujet très précis les femmes. Il y a eu, il y aura encore une grande littérature homosexuelle masculine Genet, Burroughs. Il y a eu, il y aura encore mais moins un déferlement d’ écriture féminine ». Cette dernière, comme on pouvait s’y attendre, est un monde de substance, d’effusion, de poétisation matérielle et maternelle oui, mais elle n’est sûrement pas sexuelle. Tant et si bien qu’au moment historique où tout est enfin possible avec les femmes, on dirait que l’interdit d’expression n’a jamais été plus grand. On devrait quand même finir par se demander pourquoi. Un baroque inouï Je fais un premier tri des réactions à mon dernier roman. A part quelques convulsions prévisibles, venant du clergé féministe ou homosexuel clergé qui a parfaitement compris mes intentions, et qui, s’il en avait eu les moyens, aurait eu recours à la censure la plus classique, les opinions, surtout de la part des femmes, ont été plutôt favorables. Les hommes, en général, ont été plus pincés, plus pudiques. Vaguement jaloux, dirait-on. Mais les femmes ont été, semble-t-il, directement et personnellement alertées, intéressées. Avec humour, naturel. Et cela m’a confirmé dans mon expérience c’est cette distance, cette ironie et cette fantaisie des femmes qui, aujourd’hui, existent partout et qui ne s’écrivent presque suis persuadé que la question des questions de notre temps est là. Mais alors, pourquoi ce silence ? Quels sont les intérêts en jeu ? Quelle est la raison profonde. de ce retard, du romanesque sur la façon de vivre ? Pourquoi cette réticence de la littérature par rapport à ce qui s’étale partout ? Pourquoi cette fuite dans le mythe, le rétroactif, l’exotique, le provincialisme dix-neuviémiste, le psychologisme poussif ? D’où vient cette inhibition à dire de face ce qui se passe à chaque instant ? Rien ne fait plus peur, sans doute, que les possibilités d’autonomie individuelle des femmes. C’est la raison pour laquelle on voudrait tellement les parquer en genre ». Ce qu’elles commencent d’ailleurs à refuser, ayant instinctivement compris le piège qui leur était tendu. Or de leur liberté individuelle dépend, bien entendu, la mienne. C’est ce que j’ai essayé d’écrire dans Femmes » les scènes, les mots, les gestes, les comportements de la nouvelle tragi-comédie ambiante. Les peurs, les archaïsmes, les fanatismes défensifs qu’elle suscite mais aussi le baroque inouï qui s’y révèle, la rapidité et la mobilité qui s’y font jour. Nous sommes à un tournant merveilleux et vertigineux des milliers d’années en crise ; l’improvisation devant nous. La froideur, ou l’étroitesse frileuse, de la plupart des littérateurs me stupéfie. Commémorons Stendhal, soit, mais évitons de nous demander ce qu’il penserait de notre invraisemblable timidité actuelle. L’impasse sexuelle Je viens de relire l’Age de raison », de Sartre, et les Mandarins », de Simone de Beauvoir. Deux grands livres, trop méconnus. Tout le roman de Sartre tourne autour d’un avortement difficile à réaliser manque de possibilités médicales ; manque d’argent. L’avortement avait fait son entrée dramatique en littérature avec les Palmiers sauvages », de Faulkner. Mais toute la couleur » métaphysique du livre de Sartre est là, le reste s’ensuit, y compris l’extraordinaire scène de mutilation réciproque au couteau entre le personnage principal, Mathieu, et la jeune fille qui ne l’aime pas, Ivich. Toute l’impasse sexuelle de la guerre et de l’après-guerre est ainsi fortement présente dans la narration. C’est en lisant les romans de Sartre qu’on comprend pourquoi la politique a pu apparaître et peut encore apparaître comme une solution au cauchemar physiologique. A côté de ce désastre, Les Mandarins » offre une lueur vite éteinte Chicago, l’aventure d’Anne et de Lewis. Qui sait ce que serait devenue Beauvoir si son américain avait été moins simpliste ? C’est aussi une des questions que je me suis posées en écrivant Il m’a prise sur le tapis ; il m’a reprise sur le lit et longtemps je suis restée couchée près de son aisselle. » De tout ce qu’a écrit Beauvoir, rien n’est plus révélateur que ce qu’elle raconte à propos de Lewis et de Sriassine est-ce un hasard s’il s’agit de deux étrangers ?. En réalité, l’évaluation de la littérature, depuis trente ans, devrait être faite selon ces critères. On irait de surprise en surprise. On commencerait à dresser un tableau exact de la coulisse essentielle de la vérité. Il faudrait reprendre toute la critique sur ce plan, le Saint Genet », de Sartre, la réponse de Georges Bataille, le puritanisme farouche de Beckett, les dérobades vaguement perverses du Nouveau Roman. Jusqu’au paysage d’aujourd’hui, dont le moins qu’on puisse dire est qu’il est particulièrement morose. Il fallait quelqu’un pour oser le dire ? Voilà. Philippe Sollers, Le Nouvel Observateur du 15-04-83. * Chronique de notre temps dont on s’amusera d’abord à relever les anathèmes, à déchiffrer les devinettes, Femmes nous transporte aussi à travers les siècles, dans les chefs-d’oeuvre de la littérature, de la peinture, de la musique », écrivait Jacqueline Piatier, dans Le Monde, en février 1983. Sept ans plus tard, en 1990, Josyane Savigneau remettait les choses en perspective, allant même jusqu’à rapprocher Philippe Sollers et Simone de Beauvoir dans une même quête du bonheur. Pour en finir avec les années de plomb » par Josyane Savigneau Femmes, pourra, certes, être lu et relu comme un roman symptomatique des années 80, mais aussi, le temps passant, comme un livre qui dit bien autre chose que l’écume d’une époque. Car son auteur, Philippe Sollers, n’est pas un écrivain des années 80. Sa place dans la littérature est certainement tout autre, mais peut-être faudra-t-il attendre les années 90 pour qu’on le dise — pour qu’on le lise. Ce qui est insupportable à beaucoup, ce n’est pas vraiment — contrairement à ce qu’ils prétendent — sa manière de faire " l’épatant ", le malin, de se vouloir le plus cultivé, le plus intelligent et le meilleur joueur, c’est, profondément, la nature de son geste créateur le refus de faire ce qu’il sait faire — le même livre. La volonté, à chaque fois, d’inventer, de trouver. On l’imagine bien reprenant à son compte l’" intolérable " phrase de Picasso Je ne cherche pas, je trouve. » C’est ainsi qu’on a vu arriver dans les librairies, au début de 1983, Femmes, un gros livre qui inaugurait une nouvelle "période" de Sollers — dont il est aujourd’hui déjà loin. Dès la première page on peut y lire Le monde appartient aux femmes. C’est-à-dire à la mort. Là-dessus tout le monde ment. Lecteur, accroche-toi, ce livre est abrupt. Tu ne devrais pas t’ennuyer en chemin, remarque. Il y aura des détails, des couleurs, des scènes rapprochées, du méli-mélo, de l’hypnose, de la psychologie, des orgies. J’écris les Mémoires d’un navigateur sans précédent, le révélateur des époques. » Un roman qui commence par une telle déclaration de guerre ne pouvait que susciter polémiques... et intérêt. Très vite, il fut — et pour de nombreuses semaines — deuxième de la liste des meilleures ventes, tandis qu’on lisait les critiques les plus contradictoires. On décrivait une "hénaurme" machine de guerre contre la femme », on célébrait un très grand livre, peut-être décisif pour le combat spirituel à cette heure très sévère », on condamnait un énorme pensum mou, une masse gélatineuse, abusivement présentée comme un roman alors qu’il ne s’agit que d’une chronique sur les intellectuels parisiens » [17]. A cause du côté " roman à clefs d’un milieu intellectuel ", on évoquait Simone de Beauvoir et les Mandarins. Quelques téméraires, à commencer par Sollers lui-même dans certaines interviews, se référaient plutôt au Deuxième Sexe. Comment oser comparer le livre majeur de la réflexion sur la condition féminine et cette radicale accusation des femmes ? Mais qui d’autre, depuis Simone de Beauvoir, avait vraiment parlé aux femmes de leurs rapports avec les hommes, de leur acceptation des conventions, de leur manière de ne pas résister à la soumission subie par leur sexe mais de la transformer en désir de possession et de mort, de leurs délires sur la maternité ? Les femmes, à l’époque, auraient été bien avisées de se regarder un peu dans Femmes, et de se dire, comme l’affirmera Philippe Sollers plus tard Le malentendu entre les hommes et les femmes est à son comble. Partons de ces constatations et voyons comment il pourrait se passer quelque chose d’amusant. » Relu sept ans après sa sortie, Femmes n’est pas un roman qui règle les comptes d’un homme, d’un " baiseur ", avec les femmes. C’est un livre qui règle leur compte aux années 70, ces " années de plomb " où la tentation terroriste et ses revers — la répression, la délation, — ont tout envahi. C’est un livre qui a voulu, avec une violence inouïe et à peine supportable, démasquer et casser le reproche, l’amertume, l’aigreur qui finissent, la plupart du temps, et plus que jamais aujourd’hui, par tisser la misérable continuité des rapports entre hommes et femmes. » Au-delà des époques respectives, ce que dit Femmes, dans l’absolue provocation, rejoint ce que disent, avec une sorte d’innocence, les lettres de Simone de Beauvoir récemment rendues publiques et qui choquent pareillement — les femmes surtout, — attisant aussi la haine contre leur auteur qu’on peut tout vivre, tout inventer — et que ceux qui entrent dans le jeu en acceptent les risques, — qu’il n’est pas besoin de posséder, de dévorer, d’annexer pour aimer, qu’il est sot de croire que l’amour c’est " tout ou rien ". Quelle incongruité, n’est-ce pas, quel scandale, de rapprocher Simone de Beauvoir et Philippe Sollers ? D’autant que Femmes comporte une page dure, nette, sur la Cérémonie des adieux dont on peut évidemment soutenir qu’elle conforte ce rapprochement. Et pourtant... Simone de Beauvoir a toujours affirmé qu’elle n’avait rencontré personne qui fût aussi doué qu’elle pour le bonheur. Philippe Sollers dit et redit son incurable gaieté Je veux tout garder... Je veux tout... L’enfance... La gloutonnerie, les grandes vacances permanentes... La fête... La vie endiablée... Je suis comme ça depuis toujours, je serai toujours comme ça. » Ce qui continue de déranger, chez l’une comme chez l’autre, c’est, constamment répétés, l’amour de la vie et la haine de l’ennui. Et cela, ce n’est pas dérangeant pour la décennie ni même pour le siècle. C’est dérangeant depuis toujours et pour l’éternité. Josyane Savigneau, Le Monde du ****** Violencespolicières : la parole au rap français - Article - Abcdr du Son. Abcdr du Son. Du Ministère A.M.E.R. à Soso Maness, en passant par Dosseh ou le Saïan Supa Crew, neuf rappeurs français prennent la parole sur les violences policières. La Rédaction, le 12 juin 2020 Photographie : Sandra Gomes.
Paroles de la chanson Je Ne Dirai Rien par Black M [Black M] T'aimes te faire belle, oui, t'aimes briller la night T'aimes les éloges, t'aimes quand les hommes te remarquent T'aimes que l'on pense haut et fort que t'es la plus oohh... Je ne dirai rien T'aimes te faire belle, oui, t'aimes briller la night T'aimes les éloges, t'aimes quand les hommes te remarquent T'aimes que l'on pense haut et fort que t'es la plus oohh... Je ne dirai rien [Abou Tall The Shin Sekai] Toi qui sais pertinemment que t'es fraiche Devant les mecs fauchés tu t'prends pour l'Everest Négro c'est pas une meuf pour oit, Est-ce clair ? Tu veux la gérer sans gamos, espère Seulement 15 000 abonnés sur Instagram, à moitié dénudée t'es prête à tout pour plaire T'aimes pas mon son mais tu veux ton pass backstage T'aimes pas les canards mais t'enchaines les duckface Et tu m'dis Pourquoi j'trouve pas d'mecs bien ? Pourquoi les mecs s'comportent tout comme des chiens ? TA GUEULE ! Parce que t'es stupide Matérialiste, cupide, stupide, stupide, stupide, stupide Et tu te crois super intelligente et mature Hélas, la seule raison pour laquelle on t'écoutes sont tes obus Sinon t'as pas un 06 j'crois que j'ai l'coup de foudre Eeeuh non ! bon ok vas te faire foutre [Black M] T'aimes te faire belle, oui, t'aimes briller la night T'aimes les éloges, t'aimes quand les hommes te remarquent T'aimes que l'on pense haut et fort que t'es la plus oohh... Je ne dirai rien T'aimes te faire belle, oui, t'aimes briller la night T'aimes les éloges, t'aimes quand les hommes te remarquent T'aimes que l'on pense haut et fort que t'es la plus oohh... Je ne dirai rien [Dadju The Shin Sekai] T'aimes qu'on te dises que ta présence est indispensable Puis te poser avec un smicard est une chose impensable Ego surdimensionné or princesse de château de sable Et fuck s'il a bon cœur c'qui compte c'est qu'le compte soit dépensable Tu vis dans tes idéaux donc t'as délaissée l'bac Tu ne mérites que la Clio mais tu veux la Maybach Tu regardes les gens de haut, les yeux plus gros qu'la black card Carlton et les beaux tels-hô vu qu'tu sautes les étapes Toujours une nouvelle envie chaque seconde, rien est assez bien pour oit Faudrait qu'on t'offre les merveilles de ce monde, bien emballés dans une boite Pourtant t'es pas si sexy, tu n'excites que les gavas en fin d'vie Si je t'invites au coin c'est qu'ta copine me supplie Faut que t'arrêtes de jubiler, arrête de m'questionner La ça bosse pour indéfini, PDG, vire les ! [Black M] T'aimes te faire belle, oui, t'aimes briller la night T'aimes les éloges, t'aimes quand les hommes te remarquent T'aimes que l'on pense haut et fort que t'es la plus oohh... Je ne dirai rien T'aimes te faire belle, oui, t'aimes briller la night T'aimes les éloges, t'aimes quand les hommes te remarquent T'aimes que l'on pense haut et fort que t'es la plus oohh... Je ne dirai rien [Doomams] Est-ce que tes talons supporteront tes grosses cuisses ? Ton mini short est au bord de la rupture ???? j'me vois poser dessus avec un gros spliff Fais moi voir les bails j'te ferais voir la luxure Tu m'reproches de trop courir après l'butin Mais tu marcherais sur du sang pour avoir des Louboutins T'aimes te faire belle pour qu'on t'interpelle T'aimes les bad boy rechercher par Interpol Donc épargne moi toutes tes souffrances Epargne moi tout c'maquillage à outrance Bitch ! t'as les yeux plus gros qu'ton ventre Pour un simple resto dois-je vider mon compte en banque ? [Black M] T'aimes te faire belle, oui, t'aimes briller la night T'aimes les éloges, t'aimes quand les hommes te remarquent T'aimes que l'on pense haut et fort que t'es la plus oohh... Je ne dirai rien T'aimes te faire belle, oui, t'aimes briller la night T'aimes les éloges, t'aimes quand les hommes te remarquent T'aimes que l'on pense haut et fort que t'es la plus oohh... Je ne dirai rien [Black M] Oui ton entrée a mis comme un froid dans le coin Alors que j'étais poser avec tout mes gars, au calme ! J'ai voulu t'ignorer mais comment faire quand même les plus grands bandits ils y sont tombés sous ton charme Pour moi y'a pas d'soucis J'ai les yeux plus gros que ta cambrure cousine Ce n'est pas juste parce que tu es fraiche que tu vas me refroidir J'en ai connu des plus sauvage Tout les niggas te guettent quand y'a du mbourou j'suis pas celui qui daba les miettes Ha ha ! Big Black M ! Pas du genre à se faire piquer par ta taille de guêpe Trop cash peut-être, parce que je sais qu'le mal me guette Je sais que c'est bête, mais t'es la juste parce que j'ai cé-per Et si moi je suis un macho, dis moi toi t'es quoi De toute façon tu n'me laisses pas l'choix tout le monde te nnait-co A quoi ça sert d'être un avion d'chasse si ça vole pas haut Si tu veux oui vas-y vient on tchatche, mais j'suis qu'un salaud [Black M] T'aimes te faire belle, oui, t'aimes briller la night T'aimes les éloges, t'aimes quand les hommes te remarquent T'aimes que l'on pense haut et fort que t'es la plus oohh... Je ne dirai rien T'aimes te faire belle, oui, t'aimes briller la night T'aimes les éloges, t'aimes quand les hommes te remarquent T'aimes que l'on pense haut et fort que t'es la plus oohh... Je ne dirai rien
\n \n\n \n black m je ne dirais rien parole
Lor mondial sur 400 m, le premier grand titre. Je me dis : « Je suis sur la route, c’est bon. Maintenant, il ne faut pas dévier. » Je serre les
Rencontre hommes célibataires qui recherchent une relation durable et sérieuse sur Saint-Laurent-d'Arce 33240 et dans le département de Gironde Page 26 Isshogai, habite à 24 km de Saint-Laurent-d'Arce 33240un homme de 59 ans. - Cheveux Brun - 175 cm - Statut civil Célibataire - Silhouette Musclé Je suis une personne qui aime le sport, le cinéma, la lecture et l'écriture. Je suis en couple, mais je n'arrive plus à me retrouver. Je recherche une relation discrète avec une personne qui saura me comprendre tout simplement Région Code postal 33700, Bordeaux 33, Gironde, Aquitaine, France Statut d'emploi Plein temps heures variables Sens de l'humour J'aime bien taquiner, Amical, je souris toujours Intérêts communs Restaurant, Films / Vidéos, Jeux de socièté, Sports Ethnicité Caucasian Européen Signe Astrologique Capricorne Nil33, habite à 22 km de Saint-Laurent-d'Arce 33240un homme de 56 ans. - Cheveux Brun - 167 cm - Statut civil Célibataire - Silhouette Bien dans ma peau bonjour, recherche relation amicale ou sérieuse je suis quelqu 'un de naturel, sympa j 'aime bien me balader en forêt, bord de plage en loisir, ça dépend de la saison si vous voulez en savoir plus, ben venaient tchat avec moi je ne mord pas Région Code postal 33860, Reignac 33, Gironde, Aquitaine, France Ethnicité Autre Signe Astrologique Cancer Freespirit44, habite à 27 km de Saint-Laurent-d'Arce 33240un homme de 53 ans. - - - Statut civil Célibataire - Silhouette Je vous le dirai plus tard Mes amis disent souvent de moi que je suis quelqu'un de bien. C'est ce que j'essaie d'être tous les jours. Pour qui me connait, je suis généreux, disponible, à l'écoute de l'autre. Je ne suis pas à la recherche d'un top model, je suis ici pour trouver quelqu'un de mon âge environ, qui serait prête à faire la route la plus longue possible en ma compagnie, celle du cœur.. Les enfants sont les bienvenus. Je te souhaite spirituelle, cultivée, aimant la nature et d'autres choses que j'ai hâte de découvrir ! Région Code postal 33230, Coutras 33, Gironde, Aquitaine, France Signe Astrologique Bélier Maximus33, habite à 24 km de Saint-Laurent-d'Arce 33240un homme de 36 ans. - Cheveux Brun foncé - 196 cm - Statut civil Célibataire - Silhouette Bien dans ma peau Fraichement muté sur Bordeaux, je recherche ma moitié. Je suis une personne très attentionnée, sérieuse, généreuse qui aime la vie et plus particulièrement les moments complices, le sport, les sorties entre amis, mais également la cuisine et les week-ends excursions je cherche une personne ayant les mêmes centres d'intérêt que moi et peut-être commencer un nouveau chemin ensemble à bientôt Région Code postal 33000, Bordeaux 33, Gironde, Aquitaine, France Statut d'emploi Plein temps 9 à 5 Sens de l'humour J'aime bien taquiner, Amical, je souris toujours Intérêts communs Boîte de nuits, Camping, Cuisine, Restaurant, Arts et musées, Musique et concerts, Sports Ethnicité Caucasian Européen Signe Astrologique Gémeaux Fredgold, habite à 24 km de Saint-Laurent-d'Arce 33240un homme de 51 ans. - Cheveux Brun - 173 cm - Statut civil Séparé - Silhouette Mince Tendre et câlin je cherche une femme qui aime la tendresse je suis un fort caractère, mais très ouvert d'esprit et j'aime faire des massages, du roller je suis très ludique le reste sera à découvrir. Région Code postal 33000, Bordeaux 33, Gironde, Aquitaine, France Statut d'emploi Plein temps heures variables Sens de l'humour J'aime bien taquiner Intérêts communs Café et conversations, Restaurant, Films / Vidéos, Musique et concerts, Art créatif, Jeux de socièté Ethnicité Caucasian Européen Signe Astrologique Verseau Chuchu17, habite à 36 km de Saint-Laurent-d'Arce 33240un homme de 70 ans. - Cheveux Blanc/Gris - 180 cm - Statut civil Divorcé - Silhouette Je vous le dirai plus tard Vous aimez la nature, les animaux. Vous aimez la simplicité et la vie tranquille. Vous êtes sentimentale et sensible. Vous ne supportez pas l’intolérance, et la bêtise. Vous avez soif de paix et de justice. Vous avez du caractère et des idées. Alors rencontrons-nous, nous sommes fait pour nous entendre. Région Code postal 17150, Soubran 17, Charente-Maritime, Poitou-Charentes, France Sens de l'humour Je ris quand c'est vraiment drôle Intérêts communs Cuisine, Restaurant, Jardinage / Entretien paysager, Films / Vidéos, Intérêts politiques Ethnicité Autre Signe Astrologique Bélier Dger33, habite à 7 km de Saint-Laurent-d'Arce 33240un homme de 47 ans. - Cheveux Brun - 178 cm - Statut civil Célibataire - Silhouette Moyen J'espère rencontrer la femme de ma vie que je pourrais la rendre heureuse, je suis un garçon simple, gentil, respectueux, qui ne chercher qu'a aimé et à être aimer, j'espère que mon profil vous donnera envie de me connaitre. Région Code postal 33710, Bourg 33, Gironde, Aquitaine, France Statut d'emploi Plein temps 9 à 5 Sens de l'humour Je suis celui qui met de l'action partout où; je passe Intérêts communs Café et conversations, Restaurant, Films / Vidéos, Musique et concerts, Sports, Brocante / Antiquités Art corporel tatouage Ethnicité Autre Signe Astrologique Taureau Lion68ld, habite à 24 km de Saint-Laurent-d'Arce 33240un homme de 50 ans. - Cheveux Brun noir - 180 cm - Statut civil Célibataire - Silhouette Bien dans ma peau IL est impossible d'envisager que le sentiment amoureux soit incarné sur le net, c'est un espace intangible de pur vacuité où l'on a comme seule perspective la mise en abyme du vide narcissique. Pour aimer il faut se voir, se parler, puis se toucher, pouvoir lire sur le visage d'autrui une émotion qui s'en dégage et s'en emparer cela n'a de sens que dans le réel ! Le net c'est les conditions d'un rêve construit artificiellement sur une ligne de fuite. Ce qui nous anime dans la perspective du sentiment amoureux se sont les pistes qu'il faut emprunter ou rien n'est déterminer par avance où tout se construit par enchantement. Région Code postal 33000, Bordeaux 33, Gironde, Aquitaine, France Sens de l'humour Je ris quand c'est vraiment drôle Ethnicité Caucasian Européen Signe Astrologique Verseau Mat_d33, habite à 24 km de Saint-Laurent-d'Arce 33240un homme de 31 ans. - Cheveux Brun - 178 cm - Statut civil Célibataire - Silhouette Mince Je suis ici pour rencontrer des personnes différentes de celles que je côtoie habituellement dans mes études. Après, si + si affinité, je cherche quelque chose de sérieux, car, pour moi, construire une relation, quelle que soit sa nature, sur des bases non solides cela finit souvent par s'effondrer. Si vous désirez me connaitre, n'hésitez pas à me contacter promis je ne mords pas p Région Code postal 33000, Bordeaux 33, Gironde, Aquitaine, France Sens de l'humour J'aime bien taquiner, Je suis celui qui met de l'action partout où; je passe, Amical, je souris toujours Intérêts communs Boîte de nuits, Cuisine, Restaurant, Films / Vidéos, Musique et concerts, Jeux de socièté, Sports Ethnicité Caucasian Européen Signe Astrologique Bélier BenjaminOL76, habite à 20 km de Saint-Laurent-d'Arce 33240un homme de 45 ans. - Cheveux Brun foncé - 198 cm - Statut civil Célibataire - Silhouette Mince Je m'appelle Anthony, 44 ans ; je suis romantique, galant et sincère. J'aime tout les styles de musiques 70, 80, 90, aller au restaurant, cinéma, concerts, spectacle, se promener au parc ; j'aime le bricolage, l'informatique, lire, la natation... Les genres de films action, comédie musicale, romantiques, science-fiction, western, documentaire. Région Code postal 33150, Cenon 33, Gironde, Aquitaine, France Statut d'emploi Plein temps 9 à 5 Sens de l'humour Je ris quand c'est vraiment drôle Intérêts communs Camping, Cuisine, Restaurant, Arts et musées, Musique et concerts, Jeux de socièté, Sports, Brocante / Antiquités Ethnicité Caucasian Européen Signe Astrologique Balance SDEEM, habite à 23 km de Saint-Laurent-d'Arce 33240un homme de 57 ans. - Cheveux Brun pâle - 188 cm - Statut civil Célibataire - Silhouette Bien dans ma peau D'une nature cool et dynamique recherche des personnes respectueuses et qui assume leurs choix prendre le temps de la découverte et apprécier les bons moments de la vie rire sourire les mots clefs pour ouvrir le dialogue n'hésitez pas Région Code postal 33, Fargues-Saint-Hilaire 33, Gironde, Aquitaine, France Statut d'emploi Plein temps heures variables Sens de l'humour J'aime bien taquiner, Je suis celui qui met de l'action partout où; je passe, Amical, je souris toujours Intérêts communs Cuisine, Café et conversations, Restaurant, Jardinage / Entretien paysager, Films / Vidéos, Sports Art corporel tatouage visible Ethnicité Caucasian Européen Signe Astrologique Vierge Chriseden, habite à 24 km de Saint-Laurent-d'Arce 33240un homme de 56 ans. - Cheveux Grisonnant - 160 cm - Statut civil Célibataire - Silhouette Bien dans ma peau j'aime beaucoup lire et la poésie, comment ce d'écrire je préfère que vous découvriez par vous-même. Je suis un homme très respectueux et très gentil mais bon vous l'avait entendu mainte et mainte fois à vous de voir nous pourrions discuter comme des amis, car l'amitié ne rend pas le malheur plus léger, mais en se faisant présence et dévouement Région Code postal 3300, Bordeaux 33, Gironde, Aquitaine, France Sens de l'humour Amical, je souris toujours Intérêts communs Camping, Cuisine, Café et conversations, Restaurant, Films / Vidéos, Arts et musées, Jeux de socièté, Brocante / Antiquités Ethnicité Caucasian Européen Signe Astrologique Verseau Xav33, habite à 26 km de Saint-Laurent-d'Arce 33240un homme de 41 ans. - Cheveux Brun - 178 cm - Statut civil Célibataire - Silhouette Délicat Coucou, je commence, je me prénomme Xavier, je suis à la recherche une femme pour relation sérieuse, je suis plutôt sympa, motard donc forcément sympa avec de l'humour parce que ce c'est bon de rire aaaah, bon j'arrête mes pitreries, je m'assume, autonome et pas prise de tête, si ça vous dit de discuter avec moi pour apprendre à me connaitre ça sera avec plaisir. À très bientôt. Région Code postal 33700, Mérignac 33, Gironde, Aquitaine, France Sens de l'humour J'aime bien taquiner, Amical, je souris toujours Art corporel tatouage Ethnicité Caucasian Européen Signe Astrologique Scorpion Alain106, habite à 60 km de Saint-Laurent-d'Arce 33240un homme de 25 ans. - Cheveux Noir - 180 cm - Statut civil Célibataire - Silhouette Quelques kilos en trop Bonjour à tous eh bien moi c'est Alain, j'ai 20 ans et habite à Andernos en Gironde. Je suis passionné de Bowling, d'infographie 3D et aime bien étudier la philosophie ainsi que les animaux de temps à autre. J'ai eu une expérience dans le domaine de l'animation périscolaire, que je compte continuer, et plus tard, pourquoi ne pas envisager d'être policier municipal. Je suis également un rétro, très attiré par les années 90-début 2000. D'ailleurs j'adore écouter Eddy Mitchell et d'autres musiques bien sûr je n'ai pas de style préféré, tant que la musique me plaît, bah je l'écoute c'est toute bête, mais c'est logique Jamy !. S ... Région Code postal 33510, Andernos-les-Bains 33, Gironde, Aquitaine, France Statut d'emploi Cherche un emploi Sens de l'humour Je ris quand c'est vraiment drôle Intérêts communs Cuisine, Films / Vidéos, Art créatif, Jeux de socièté, Sports Art corporel Je n'y penserais même pas Ethnicité Métis Signe Astrologique Sagittaire Pantzer, habite à 40 km de Saint-Laurent-d'Arce 33240un homme de 59 ans. - Cheveux Blanc/Gris - 175 cm - Statut civil Divorcé - Silhouette Bien dans ma peau Je ne suis pas un homme parfait hélas et j'accepte que l'on corrige mes défauts. Je recherche une femme simple, naturelle, souriante, d'âge indifférent et qui aime ma façon de vivre tout comme je ferai pour elle bien-sûr. Région Code postal 24490, La Roche-Chalais 24, Dordogne, Aquitaine, France Statut d'emploi Mon propre patron Sens de l'humour Amical, je souris toujours Intérêts communs Cuisine, Café et conversations, Restaurant, Jardinage / Entretien paysager, Musique et concerts Ethnicité Africain Américain Signe Astrologique Bélier Chacool, habite à 27 km de Saint-Laurent-d'Arce 33240un homme de 36 ans. - Cheveux Noir - 180 cm - Statut civil Célibataire - Silhouette Mince Je suis un homme simple, sincère, sérieux et j'ai tant besoin d'amour et d'affection. Je recherche ma moitié, je suis un black et fier de l'être et je suis homme de parole, plein d'amour et de joie, je suis prêt à rendre heureuse celle qui me donnera sa main. Région Code postal 0033, Abzac 33, Gironde, Aquitaine, France Sens de l'humour Amical, je souris toujours Intérêts communs Cuisine, Relations d'affaires, Café et conversations, Restaurant, Musique et concerts, Religion / Spiritualité Art corporel Piercing Ethnicité Africain Signe Astrologique Verseau Danny335d, habite à 26 km de Saint-Laurent-d'Arce 33240un homme de 49 ans. - Cheveux Brun - 173 cm - Statut civil Célibataire - Silhouette Mince Avis à la population féminine je suis pas ici pour un plan foireux n'y un plan cul et oui cela peut vous étonner mais je suis un homme de se qu'il se fait du plus sérieux je recherche une chose que bcp ne savent plus se que sais cette chose s'appel AMOUR faire une belle rencontre oui celle qui emballe nos coeurs et donne des étoiles dans nos yeux trouver simplement ma futur cendrillon avec qui je pourraient m assoir sur le bord de la mer poser sur le sable a contempler un coucher de soleil l un contre l autre en écoutant le bruits des vagues et se laisser bercé par les embruns marin main dans la main et attendre que le soleil touche l'hor ... Région Code postal 33750, Nérigean 33, Gironde, Aquitaine, France Statut d'emploi Plein temps 9 à 5 Sens de l'humour J'aime bien taquiner Art corporel Je n'y penserais même pas Ethnicité Caucasian Européen Signe Astrologique Verseau Pascalouou, habite à 46 km de Saint-Laurent-d'Arce 33240un homme de 58 ans. - Cheveux Blanc/Gris - 178 cm - Statut civil Célibataire - Silhouette Bien dans ma peau Un visage sur un profil c'est bien, cependant ce qui est vraiment important n'est pas inscrit sur le front il faut creuser un peu. Souvent ce sont les dames qui posent leurs exigences et préviennent de ce qu'elles ne souhaitent pas, je suis pour l'égalité, voici donc les miennes Je ne cherche pas qu'on m'aide à gérer ma CB ni un nouvel emploi d'homme bon à tout faire; j'ai déjà donné! Sinon, pour un garçon, je n'aime pas le foot mais il me reste des défauts comme l'a si joliment dit Florence Foresti, un bœuf, une patate et une Porsche. Et le cinéma, d'Audiard à nos jours. Région Code postal 17500, Jonzac 17, Charente-Maritime, Poitou-Charentes, France Statut d'emploi Mon propre patron Sens de l'humour J'aime bien taquiner Ethnicité Caucasian Européen Signe Astrologique Poisson BOBI640, habite à 24 km de Saint-Laurent-d'Arce 33240un homme de 48 ans. - Cheveux Brun - 170 cm - Statut civil Célibataire - Silhouette Bien dans ma peau Bonjour, Je suis Lionel, j'ai 47 ans et je suis célibataire. Je suis très sportif car je suis un compétiteur. Je suis fou de ski, alpin et de hautes montagnes, de courses autos de F1, ainsi que de voyages. Ouf ! Je cherche l'amour, une relation en osmose, avec des goûts communs pour les voyages, la musique, les concerts, les câlins. J'adore l'astronomie et le cinéma. Si comme moi, tu aimes croquer la vie à fond sans passer les limites et que tu es curieuse de tout comme moi, écris moi ou texte moi et allons manger ensemble ! Le clavier c'est triste et irréel, un Saint-Emilion c'est bien meilleur. Au Plaisir... Lionel Région Code postal 33000, Bordeaux 33, Gironde, Aquitaine, France Sens de l'humour J'aime bien taquiner Intérêts communs Camping, Cuisine, Café et conversations, Restaurant, Films / Vidéos, Musique et concerts, Sports Ethnicité Autre Signe Astrologique Gémeaux Alainretz, habite à 38 km de Saint-Laurent-d'Arce 33240un homme de 55 ans. - Cheveux Brun pâle - 175 cm - Statut civil Divorcé - Silhouette Bien dans ma peau pas facile pas facile que dire.... un brin sportifVTT cool kayak cool, rando cool, aime voyager France et si possible plus loin, mais à deux c'est mieux, le camping, la plage le soleil, faire la cuisine et surtout la partager, pas matérialiste, je ne suis pas fan des villes et de la foule, timide oui oui un petit peu, mais je me soigne. Pour les qualités ou mes défauts s'il y en a vous de juger, je voudrais trouver une personne sincère pas une histoire d'un soir, quelqu'un avec qui partager ici aussi pour rencontre amicale, bon ou mauvais moments, une journée à la plage, un coucher de soleil, un jour pluvieux, le thé sur une plage, de ... Région Code postal 33760, Courpiac 33, Gironde, Aquitaine, France Sens de l'humour Je ris quand c'est vraiment drôle, J'aime bien taquiner, Sarcastique Intérêts communs Camping, Cuisine, Café et conversations, Restaurant, Films / Vidéos, Sports, Brocante / Antiquités Ethnicité Caucasian Européen Signe Astrologique Gémeaux Gaffeurgirondin, habite à 48 km de Saint-Laurent-d'Arce 33240un homme de 45 ans. - Cheveux Brun - 173 cm - Statut civil Célibataire - Silhouette Quelques kilos en trop Bonjour, bonsoir, profite de la vie, suis tes envies et vis sans regret..... tu ne sais pas où tu seras demain. Je suis un peu comme le prince de Kandy je ne sais pas draguer, comme inspecteur gadget je suis parfois très maladroit, j'ai un physique qui ne fait pas rêver comme Ken de Barbie et l'humour de stroumfph farceur, mais un cœur aussi gros que celui des bisousnours. Vu mon travail je sais faire preuve d'empathie, compréhension, de compassion bref je suis très humain et proche des autres que j'aime aider vu ma passion. Madame, Mademoiselle, n'hésita pas à me laisser des messages. Région Code postal 33650, Cabanac-et-Villagrains 33, Gironde, Aquitaine, France Statut d'emploi Plein temps 9 à 5 Sens de l'humour J'aime bien taquiner Intérêts communs Musique et concerts, Jeux de socièté Art corporel Je n'y penserais même pas Ethnicité Caucasian Européen Signe Astrologique Bélier Morganhimslf, habite à 24 km de Saint-Laurent-d'Arce 33240un homme de 45 ans. - Cheveux Brun foncé - - Statut civil Célibataire - Silhouette Athlétique Coucou! Je suis célibataire sur Bordeaux dans ma maison individuelle. J'ai un enfant au collège en garde alternée. Je peux me déplacer. Je suis ravi de recevoir bien sûr. Je recherche une relation simple et apaisée dans le respect et le partage. Je tiens à dire que je préfère tout de même les relations un peu suivies voire très! Si, de votre côté, vous souhaitez une relation "légère" dans un premier temps cachez-le un peu! Qu'il y ait une chance pour une "romance", un feeling, une étincelle. Mon souhait est de partager des moments, des instants d'échanges sincères et plus bien sûr si le feeling passe lors de la rencontre... ... Région Code postal 33000, Bordeaux 33, Gironde, Aquitaine, France Sens de l'humour J'aime bien taquiner, Je suis celui qui met de l'action partout où; je passe, Amical, je souris toujours Intérêts communs Cuisine, Café et conversations, Restaurant, Jardinage / Entretien paysager, Films / Vidéos, Musique et concerts Art corporel Je n'y penserais même pas Ethnicité Caucasian Européen Signe Astrologique Verseau Bon jovi, habite à 28 km de Saint-Laurent-d'Arce 33240un homme de 44 ans. - Cheveux Brun noir - 175 cm - Statut civil Célibataire - Silhouette Musclé Pâtissier, je suis jeune de 36 années, je suis gentil, honnête, je suis toujours de bonne humeur, adore voyager, le football, et la cuisine, le bricolage. Je cherche une relation sérieuse, complicité pour partager la vie et vivre le maximum. Région Code postal 33000, Pessac 33, Gironde, Aquitaine, France Statut d'emploi Plein temps heures variables Sens de l'humour Amical, je souris toujours Intérêts communs Boîte de nuits, Camping, Cuisine, Relations d'affaires, Groupe de lecture / Discussion, Café et conversations, Restaurant, Films / Vidéos, Arts et musées, Musique et concerts, Art créatif, Jeux de socièté, Sports, Intérêts politiques, Brocante / Antiquités Art corporel Boucles d'oreilles Ethnicité Caucasian Européen Signe Astrologique Balance Guytar, habite à 33 km de Saint-Laurent-d'Arce 33240un homme de 56 ans. - Cheveux Chauve - 183 cm - Statut civil Célibataire - Silhouette Bien dans ma peau Ici pour dialoguer, découvrir les autres j'ai plaqué ma vie d'avant, parti du pays qui m'avait accueilli, et j'arrive en Aquitaine. Pas d'amis, un peu de famille, un nouveau job, et voilà ! Je souhaite donc recréer un cercle d'amis, découvrir ma nouvelle région, sortir... VIVRE.... Je suis un homme curieux et avenant, j'aime rire et profiter de la vie sans abuser je sais être sérieux quand il le faut, et relax quand cela est possible. Ma vie amoureuse est à zéro, je ne suis pas pressé d'en refaire une, mais je ne suis pas contre non plus. La vie amène tant de surprises... Tout contact sympa est le bie ... Région Code postal 17210, Saint-Palais-de-Négrignac 17, Charente-Maritime, Poitou-Charentes, France Statut d'emploi Plein temps heures variables Sens de l'humour J'aime bien taquiner Intérêts communs Café et conversations, Musique et concerts, Art créatif Art corporel Je n'y penserais même pas Ethnicité Métis Signe Astrologique Lion Imad33, habite à 28 km de Saint-Laurent-d'Arce 33240un homme de 50 ans. - Cheveux Brun - 178 cm - Statut civil Célibataire - Silhouette Je vous le dirai plus tard Saurai-je être l'épice de votre vie ? Celui qui donnera de la saveur à votre quotidien, fera briller vos yeux, et adoucira vos vieux jours ? Bon, j'arrête là mon délire aromatique, faute de quoi, je vais passer pour un poète illuminé surtout que le rêve est une vision utopique dans le monde dans lequel nous vivons. Allez, il s'agit d'être romantique et pragmatique, je suis à la recherche de celle avec qui, au soir de notre vie, nous nous émerveillerons tendrement d'avoir traversé ensemble, la main dans la main, tous les arcs-en-ciel et les tempêtes de la vie ! Cette traversée nécessite la déclinaison de valeurs communes d'engagement, de f ... Région Code postal 33600, Pessac 33, Gironde, Aquitaine, France Statut d'emploi Mon propre patron Sens de l'humour Je ris quand c'est vraiment drôle Intérêts communs Groupe de lecture / Discussion, Café et conversations, Restaurant, Films / Vidéos, Arts et musées, Musique et concerts, Sports Art corporel Je n'y penserais même pas Ethnicité Arabe Signe Astrologique Taureau Premier Précédent26272829303132333435Suivant
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